« Ce jeudi soir, militants et élus se retrouveront sur la place de la Bastille, pour un concert de mobilisation en faveur de l’ouverture du droit de vote aux étrangers extracommunautaires pour les élections locales, organisé par le collectif Droit de vote 2014 et le syndicat Unef. Ils comptent interpeller François Hollande, qui a promis, lors de sa conférence de presse jeudi dernier, qu’un texte serait proposé au Parlement après les municipales de 2014. C’est la première fois depuis six mois que le Président s’exprime sur cette proposition emblématique de sa campagne – mais aussi du Parti socialiste depuis plus de trente ans.
Razzy Hammadi, député PS de Seine-Saint-Denis et fervent défenseur du droit de vote des étrangers, est «pleinement satisfait» de cette nouvelle. «On s’est battu pour que l’idée ne soit pas enterrée et pour se réapproprier le débat», explique-t-il pour justifier son entrain. Pour Esther Banbassa, l’enthousiasme est plus nuancé : «C’est un petit pas en avant.» Mais la sénatrice EE-LV du Val-de-Marne, qui a été rapporteure du texte au Sénat en 2011, veut faire confiance au Président. «Je veux bien lui donner une seconde chance, en lui faisant crédit de son intention honnête. Mais il n’y aura pas de troisième fois.»
Entre bonne et mauvaise nouvelle, difficile de trancher chez les militants. Vincent Rebérioux, vice-président de la Ligue des droits de l’Homme (LDH), regrette que le vote ne soit pas ouvert aux étrangers pour les prochaines municipales de 2014, mais se félicite que le silence du président soit enfin rompu. Du côté de SOS Racisme, le ton est plus ferme : «C’est une triste nouvelle», selon Gaëlle Tainmont, déléguée nationale du pôle migration, pour qui le chantier aurait dû être lancé dès le début du quinquennat.
«Coup de poignard»
Ce jeudi soir, sur la place de la Bastille, les responsables des diverses associations prendront la parole pour faire à nouveau entendre leurs voix. Rost, le rappeur qui avait accompagné François Hollande pendant sa campagne, sera également sur scène et devrait adresser un message au président. Sa déception est grande : «C’est comme un coup de poignard», lance-t-il amèrement. «Pendant la campagne, j’étais engagé personnellement aux côtés de François Hollande. J’y croyais. Aujourd’hui je ne pense pas qu’il y ait une volonté réelle. C’était juste une stratégie de racolage pendant les élections.» Tous sont d’accord sur un point : il faut désormais un calendrier de mise en œuvre de cette mesure trop longtemps repoussée par le gouvernement, car rien n’est encore gagné.
Les parlementaires travaillent pourtant sur le texte depuis plus de treize ans. Adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale en mai 2000, la proposition de loi constitutionnelle visant à accorder le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne résidant en France a été adoptée, à son tour, par le Sénat, le 8 décembre 2011. Mais le texte exige une révision constitutionnelle qui nécessite trois cinquièmes du Congrès.
Prenant la position présidentielle à contre-courant, SOS Racisme invite le gouvernement à «retrouver la raison» et à inscrire le texte à la révision constitutionnelle prévue en juillet 2013. Sans y croire vraiment, Esther Benbassa assure elle aussi que «le calendrier idéal, c’est maintenant», tout en nuançant : «En tout cas, bien sûr, il serait préférable que le Congrès se réunisse avant les élections au Sénat.» Car en cas de vote sanction lors du renouvellement partiel de la chambre haute, la majorité pourrait perdre du poids pour faire passer le projet. «J’espère que nous serons assez combatifs pour convaincre le président de le faire au plus vite», poursuit la sénatrice. Le constat est partagé par Vincent Rebérioux : «La fenêtre de tir est limitée. Le mieux serait avant les vacances parlementaires et les élections qui vont suivre.»
Pétition
Quoi qu’il en soit, il va falloir convaincre. Pour Esther Benbassa, «le gouvernement n’a pas fait de grands efforts. Avec un peu de volontarisme, en débattant davantage avec ceux qui ne sont pas d’accord, il est possible de changer les choses.» C’est dans le débat que pourrait se trouver la solution, mais aussi dans un travail pédagogique, selon Rost. Il est vrai que le sujet a catalysé beaucoup de tensions. Pour la sénatrice EE-LV, la faute repose sur un programme politique de la droite confondant islamophobie et question du droit de vote : «Les gens se font des idées. Le peuple était à plus de 60 % d’accord, mais les gens se sont fait influencer par des discours idéologiques.»
En colère, les militants préviennent : ils n’ont pas l’intention de baisser les bras. Prochaine étape pour la LDH, remettre une pétition à François Hollande. Même détermination du côté des parlementaires engagés dans ce combat : Esther Benbassa va les inviter à participer, le 24 juin prochain, à un octroi symbolique du droit de vote des étrangers, au Sénat. «Comme un vrai vote», précise-t-elle, afin de se donner «l’occasion de discuter du sujet entre députés, sénateurs et élus locaux».
En attendant, elle sera ce soir au concert gratuit pour le droit de vote des étrangers. A partir de 17 heures, et après une prise de parole des responsables du collectif, se succèderont sur scène, entre autres, Tiken Jah Fakoly, les Neg’Marrons, Passi ou encore HK et les Saltimbanks, sans oublier Rost pour qui, comme il le dit dans une de ses chansons, aujourd’hui est «plus que jamais, le temps des résistances». »
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