Alors que le broyage des poussins mâles à la naissance vient d’être interdit en Allemagne dès 2022, la France piétine sur cette question. Dans le Limousin une ferme accueille des poules pondeuses sélectionnées grâce à la technique de sexage « in ovo » qui permet d’éviter cette pratique.
« On a acheté une ferme dans le Limousin pour accueillir des poules à la retraite et on a aussi les premiers poussins sélectionnés grâce au sexage in ovo », explique Elodie Pellegrain, co-fondatrice de Poulehouse, créée en 2017. L’entreprise s’occupe des poules âgées de plus de 18 mois qui ne conviennent plus aux élevages, car elles pondent moins, mais peuvent encore pondre et vivre 6 ans de plus. Elles échappent ainsi l’abattoir. Et à Coussac-Bonneval (Haute-Vienne), commune située près de Limoges, la ferme est également en charge des poules pondeuses sélectionnées « in ovo ».
Il s’agit de percer un trou dans la membrane de la coquille, d’en extraire du liquide embryonnaire et de déterminer le sexe de l’oeuf en fonction des hormones analysées : l’œuf mâle n’est pas couvé, et devient de la nourriture pour les animaux et l’œuf femelle poursuit sa croissance pour devenir de futures poules pondeuses. L’ovosexage permet d’éviter le broyage ou le gazage des poussins mâles à la naissance dans les élevages de poules. En France, cette pratique concerne 45 millions de poussins chaque année, selon les chiffres soulignés par le Monde. « Nous nous sommes associés à l’entreprise allemande Seleggt, basée en Hollande et on a commencé ce travail avec eux », indique Elodie Pellegrain. Poulehouse est alors la première entreprise française à mettre en œuvre cette pratique en 2019.
On a commencé avec le couveur en Hollande mais le but était de développer du volume et du marché et faire venir cette entreprise en France. Donc maintenant il y a des couveuses disponibles ici.
Elodie Pellegrain, co-fondatrice de Poulehouse
L’ovosexage : Une avancée mais pas de loi en France
Mais si la technique in ovo se développe, la France est en retard par rapport à l’Allemagne. Pourtant, cela avait bien commencé : en 2019, le ministre de l’Agriculture français de l’époque, Didier Guillaume, s’était engagé avec son homologue allemande, Julia Klöckner, d’interdire l’élimination des poussins mâles par gazage ou broyage d’ici la fin de l’année 2021. Le 21 mai dernier, l’Allemagne a confirmé son engagement en annonçant l’interdiction de la pratique dès 2022.
De son côté, la France piétine : toujours aucune avancée législative sur ce sujet. Le 26 mai dernier, l’interdiction a même été discutée lors de l’examen de la proposition de loi « pour un élevage éthique » de la sénatrice écologiste Esther Benbassa, qui a été rejeté par les sénateurs.
Aller vers « le vrai mieux »
Malgré ça, la co-fondatrice de Poulehouse n’est pas inquiète pour la suite.
Je suis assez optimiste à ce sujet car la filière se structure pour aller dans ce sens. Mon inquiétude est ailleurs. Je crains que la technique in vivo pâtisse de la concurrence et que certaines techniques ne soient pas aussi vertueuses les unes que les autres. Le risque serait d’aller vers des techniques moins chères et du coup extraire du liquide embryonnaire à J-14 alors que la meilleure technique est de le faire au plus tôt.
Elodie Pellegrain, co-fondatrice de Poulehouse
Chez Poulehouse, le sexage in ovo se fait à J-9, « et demain j’espère qu’elle se fera au plus tôt. J’aimerais qu’il y aura une vraie avancée sur le sujet en n’allant pas vers « le un peu mieux » mais vers « le vrai mieux » : pratiquer le sexage in vivo au plus précoce », termine la co-fondatrice de Poulehouse.