Le projet de loi propose la création d’un seuil de non consentement fixé à treize ans, et vise à renforcer la sanction encourue pour les atteintes sexuelles incestueuses.
Conséquence de l’affaire Duhamel, le Sénat s’apprête à adopter jeudi 21 janvier une proposition de loi visant à créer un nouveau crime sexuel pour protéger les mineurs de moins de 13 ans, enrichie en dernière minute par des mesures spécifiques à la lutte contre l’inceste. Deux ans et demi après l’entrée en vigueur de la loi Schiappa contre les violences sexuelles et sexistes, le texte examiné en première lecture est porté par la présidente centriste de la délégation aux Droits des femmes Annick Billon.
Pour Annick Billon, il s’agit de poser «un interdit sociétal clair». La nouvelle infraction de crime sexuel sur mineur serait constituée en cas de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’elle soit, commise par un majeur sur un mineur de moins de 13 ans, dès lors que l’auteur des faits connaissait ou ne pouvait ignorer l’âge de la victime. Mais l’importance prise ces derniers jours dans le débat public par la question de l’inceste, mise en lumière par l’affaire Duhamel, accusée par sa belle-fille Camille Kouchner d’avoir violé son frère jumeau quand ils étaient adolescents dans les années 80, a fait prendre une nouvelle tournure au texte.
La commission des Lois s’est prononcée mercredi en faveur d’un amendement de la sénatrice PS Marie-Pierre de La Gontrie visant à renforcer la sanction encourue pour les atteintes sexuelles incestueuses sur mineur, qui seraient punies de «10 ans et 150.000 euros d’amende». Pour lutter contre «l’omerta» qui entoure le plus souvent ces affaires de famille, les sénateurs ont également adopté en commission un amendement de la rapporteure Marie Mercier (LR) qui allonge le délai de prescription du délit de non dénonciation de mauvais traitements, agressions ou atteintes sexuelles infligés à un mineur. De six ans aujourd’hui, ce délai serait porté à dix ans, à compter de la majorité de la victime, en cas de délit et à 20 ans en cas de crime.
Le Sénat, dominé par l’opposition de droite, pourrait avec ces dispositions, prendre un coup d’avance sur la majorité présidentielle qui réfléchit à un durcissement de la loi contre l’inceste. Christophe Castaner, président du groupe LREM à l’Assemblée nationale, a estimé mardi qu’il faudra «si nécessaire donner la qualification pénale à ce crime». Dimanche, c’est la première dame, Brigitte Macron qui avait appelé de ses «voeux» une réforme judiciaire pour lutter contre l’inceste. Le ministre de la Santé Olivier Véran a dit mardi sur France Inter être «tout à fait sur la position de Brigitte Macron».
Le livre de Camille Kouchner a relancé le débat sur l’inceste, sujet profondément tabou et encore minimisé alors qu’il serait massif en France avec près d’une personne sur dix potentiellement touchée. Un hashtag #Metooinceste a suscité depuis samedi des centaines de témoignages sur Twitter. De source gouvernementale, Emmanuel Macron a dit mercredi au Conseil des ministres que la libération de la parole est extrêmement importante. Et le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti pourrait faire des annonces au Sénat notamment dans cette direction.
Le texte examiné par la chambre haute renforce en outre la protection des jeunes de 13 à 15 ans, alors que le seuil d’âge à 13 ans est jugé insuffisant par les associations de protection de l’enfance qui poussent à ce que cette limite soit fixée à 15 ans. La question de la prescription est un autre point délicat. Le texte aligne le délai de prescription des crimes sexuels sur mineurs de 13 ans sur celui du viol, soit 30 ans à compter de la majorité de la victime. Annick Billon proposera dans l’hémicycle de l’allonger à 40 ans «pour ouvrir le débat», mais la commission a émis un avis défavorable à cet allongement. Elle a en revanche soutenu des amendements de la sénatrice écologiste Esther Benbassa et de Marie-Pierre de La Gontrie pour que le nouveau crime sexuel sur mineurs vise l’ensemble des actes bucco-génitaux.
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