Communiqué de Presse
Paris, 25 novembre 2015
Pourquoi Esther Benbassa, sénatrice EELV du Val-de-Marne, s’abstiendra lors du vote sur la prolongation de l’engagement des forces aériennes françaises au-dessus du territoire syrien.
Esther Benbassa rend hommage au courage, à la détermination et au professionnalisme de nos forces armées déployées sur différents fronts, notamment au Moyen-Orient. Comme la nation toute entière, elle tient à leur marquer sa profonde reconnaissance.
La question posée aujourd’hui, celle d’une prolongation de l’engagement des forces aériennes françaises au-dessus du territoire syrien, mérite un examen réfléchi. Il est en effet de notre devoir de nous interroger sur la manière dont cet engagement s’est concrètement traduit jusqu’à maintenant et sur ses effets. Force est de constater qu’il n’a hélas pas empêché les djihadistes soutenus par Daech de commettre les abominables tueries du 13 novembre, et que les frappes récentes auront nécessairement touché de diverses manières les habitants des régions attaquées n’ayant aucune relation avec Daech.
L’autorisation de prolongation demandée par le gouvernement au Parlement est partie intégrante du pacte de sécurité que l’exécutif a mis en place. Ce pacte ne saurait en lui-même et à lui seul nous permettre d’atteindre les objectifs poursuivis. Il ne sera efficace qu’intégré à la multiplicité des réponses et des solutions qu’il convient d’apporter à ce phénomène complexe et redoutable qu’est le terrorisme djihadiste.
Répondre au besoin de sécurité de nos concitoyens, profondément ébranlés par les tragédies de janvier puis de novembre 2015, est une obligation absolue. Reste que nul ne saurait s’exonérer des questions de tous ordres que la situation pose à moyen et à long terme, et qu’elle ne manquera pas de continuer à poser dans les mois qui viennent, quoi qu’il arrive.
De même, si les frappes en Syrie peuvent rassurer nos concitoyens, elles ne seront éventuellement efficaces que menées dans le cadre d’une coalition internationale large, forte et déterminée à s’attaquer à la fois aux infrastructures et aux troupes de Daech – et à ses intérêts, puits et raffineries de pétrole, notamment, sources inépuisables de fonds pour cette organisation.
Il faudra très vite réviser notre politique moyen-orientale, la rendre plus lisible, plus cohérente, moins dépendante de nos intérêts économiques immédiats ; intervenir diplomatiquement pour la création d’un État kurde et pour celle d’un État palestinien ; rompre avec les États qui soutiennent directement ou indirectement Daech et suspendre nos ventes d’armes à ces États.
Comme elles le sont à l’intérieur même de notre pays, les pistes de notre action à l’extérieur sont multiples, nulle ne doit être négligée, si nous voulons effectivement éradiquer le djihadisme. Et personne ne devrait oublier que si notre pays est une cible hélas privilégiée de la terreur djihadiste, ses acteurs criminels sont aussi, pour beaucoup, des Français.
La France, si elle a le droit et le devoir de se défendre, n’a ni la vocation ni les moyens de devenir le gendarme du monde. Et nul ne devrait perdre de vue les effets contreproductifs et désastreux de campagnes antérieures, en Irak et en Libye notamment. On peut commettre des erreurs. On n’en doit que plus se garder de les répéter.
C’est dans cet état d’esprit, et nullement inspirée par quelque pacifisme de principe que ce soit, qu’Esther Benbassa, au côté du gouvernement de la France dans cette terrible épreuve, et consciente de la sincérité et de la fermeté de son engagement dans la lutte contre le djihadisme, préférera aujourd’hui s’abstenir.