Par Marc Endeweld
Le candidat Hollande s’était prononcé pour l’accès des couples de femmes à la procréation médicalement assistée. Mais la mesure ne figure pas dans le projet de loi en cours d’élaboration et ne semble plus être une priorité pour le gouvernement.
“Notre projet de loi ne prévoit pas d’élargir l’accès à la procréation médicalement assistée.” C’était le 10 septembre dernier, la ministre de la Justice, Christiane Taubira, répondait aux questions du quotidien catholique La Croix sur le projet du gouvernement d’ouvrir le mariage et l’adoption aux couples de même sexe.
Pour les associations LGBT (lesbiennes, gays, bi et trans), c’est la douche froide. “En l’état, une loi a minima”, se désole Nicolas Gougain, porte-parole de l’Inter-LGBT. Quelques jours plus tard, l’hebdo La Vie dévoilait un texte de la Chancellerie ne contenant ni l’accès des couples lesbiens à la procréation médicalement assistée (PMA), ni l’adaptation de la présomption de paternité (qui permettrait au conjoint d’être reconnu comme parent social), ni l’ouverture de l’adoption aux couples non mariés…
“C’est le service minimum. C’est une loi qui ne coûte pas cher”, dénonce Esther Benbassa, sénatrice Europe Écologie-Les Verts, qui a déposé en septembre une proposition de loi sur le mariage intégrant notamment l’accès à la PMA pour les couples de femmes. Pour la sénatrice, les jeux sont faits depuis longtemps :
“Le 3 septembre, plusieurs parlementaires ont été invités à dîner par Christiane Taubira. Je lui ai posé la question de l’introduction de la PMA dans la future loi, et elle m’a dit alors que c’était hors de question.”
En fait, le gouvernement a décidé de procéder par étapes, considérant que la question de la PMA relève d’une révision de la loi bioéthique – et non des articles du code civil qui régit le mariage.
L’engagement 31 de la campagne ne comportait d’ailleurs que le mariage et l’adoption. D’ici la présentation du projet de loi fin octobre au conseil des ministres, seul François Hollande pourrait décider d’introduire la PMA dans le texte.
En privé, la ministre déléguée à la famille, Dominique Bertinotti, se dit favorable à une telle option. Mais Christiane Taubira estime qu’il lui faut “davantage de temps” pour travailler sur la “parentalité au sens large”, comme elle l’a expliqué dans Têtu du mois d’octobre. Un député socialiste ironise : “C’est bien la première fois qu’on ferait du formalisme sur le programme.” D’autant que François Hollande s’était prononcé à plusieurs reprises pour l’accès des couples de femmes à la PMA durant la campagne.
Actuellement, en France, la PMA ne peut être proposée qu’aux femmes vivant avec un homme infertile ou porteur d’une maladie. Ainsi, de nombreuses lesbiennes se rendent à l’étranger, notamment en Belgique ou en Espagne, pour bénéficier d’un don de gamètes et réaliser leur projet d’enfant.
Le député socialiste Bernard Roman, en pointe sur les questions familiales, ne cache pas son agacement :
“Pas un pays au monde n’a procédé à l’ouverture du mariage sans intégrer la question de la PMA ! Ce serait totalement incohérent d’ouvrir le mariage aux couples de même sexe sans la PMA, qui est déjà possible pour les couples hétérosexuels selon certaines conditions. Cela ne relève donc pas de la loi bioéthique. La France ne peut pas continuer cette hypocrisie en déniant à ces femmes le droit d’avoir un enfant.”
Plusieurs parlementaires socialistes, comme Patrick Bloche ou Olivier Dussopt, comptent déposer des amendements lors des prochains débats au Parlement pour introduire dès à présent la PMA dans la future loi. “Nous n’aurons pas dix fois l’occasion de revenir sur cette question”, alerte Bernard Roman. Même analyse chez Esther Benbassa : “C’est maintenant ou jamais.” Un slogan familier à François Hollande..
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