Contrôle d’identité: malentendus autour du reçu (AFP, 25.06.2012)

Des propos du ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, ont laissé penser lundi aux syndicats de policiers
que le projet gouvernemental de remettre un reçu pour éviter les contrôles au faciès à répétition était
« enterré », ce que Matignon a contesté.
Les policiers doivent se garder de tutoyer les citoyens ou de multiplier les contrôles abusifs, a
rappelé lundi M. Valls, dans la banlieue lyonnaise, face à la nouvelle promotion de commissaires.
Il a affiché sa fermeté, appelant « à proscrire les contrôles abusivement répétés ou réalisés sans
discernement ».
Bannie également, « toute forme de familiarité et de tutoiement qui dégradent la relation entre les
forces de l’ordre et les citoyens ».
Mais il a rappelé que les contrôles d’identité étaient « indispensables ».
Et sur le récépissé, il n’a pas caché son scepticisme : « Je ne veux pas imposer un dispositif qui, très
vite, tournerait au ridicule et serait inopérant ».
« Je ne vois pas, à ce stade, comment ça marche », a-t-il encore dit répondant à des questions sur ce
point.
Rapidement, les syndicats de policiers n’ont pas caché leur satisfaction de voir le récépissé
« enterré ».
Mais l’entourage du Premier ministre a assuré que le projet du gouvernement d’éviter les contrôles
policiers à répétition « est toujours d’actualité ».
« Nous travaillons dessus et la concertation continue », a-t-on ajouté à Matignon.
« Les syndicats (de policiers) déforment un peu les déclarations de M. Valls, qui n’a pas du tout dit
que ce projet était enterré », a poursuivi l’entourage du Premier ministre.
Retour du matricule? Le 1er juin, Jean-Marc Ayrault avait annoncé qu’une mesure était « en
préparation » pour créer un « reçu » destiné à éviter les contrôles au faciès à répétition.
Ce projet était sensé répondre au 30e des « 60 engagements pour la France » de François Hollande
qui entendait lutter notamment « contre le délit de faciès dans les contrôles d’identité ».
Face à la fronde naissante des policiers, M. Valls s’était limité à indiquer que ce récépissé était une
« piste » de sa réflexion.
Sénatrice EELV, auteur d’une proposition de loi sur la lutte contre le contrôle au faciès, Esther
Benbassa a été reçue au cabinet de M. Valls la semaine dernière : « J’avais senti des réticences » sur
le reçu, reconnaît-elle.
Nicolas Comte, le secrétaire national d’Unité police SGP-FO (1er syndicat des gardiens de la paix)
s’est félicité de voir s’éloigner la mise en place d’un récépissé : « J’avais dit que ça ne verrait jamais
le jour, ça semble se confirmer ».

« Je crois que le ministre de l’Intérieur reste conforme à tout ce qu’il nous a dit depuis qu’il est
nommé », a-t-il dit.
Pour Patrice Ribeiro, de Synergie (2e syndicat d’officiers), « le récépissé est enterré car le ministre a
compris que c’était un non-sens ».
Aux yeux de Jean-Claude Delage d’Alliance (2e syndicat de gardiens de la paix), « c’est une bonne
chose que ce projet, ressenti comme une mesure de défiance et de frein a l’action policière, soit
abandonné ».
M. Valls a consulté la Commission nationale Informatique et libertés (Cnil) et le Défenseur des droits
Dominique Baudis, qui a dit sur BFMTV qu’il présenterait un rapport sur le sujet à l’automne.
Les défenseurs du « récépissé » se sont inquiétés.
« J’espère qu’on n’est pas en train d’assister à une reculade sous la pression des syndicats policiers »,
commente Matthieu Bonduelle, du Syndicat de la magistrature.
Selon une étude réalisée en 2009 par l’organisation Open Society Justice Initiative, émanation de la
fondation Soros, un Noir ou un Arabe ont respectivement 6 et 7 à 8 fois plus de chances d’être
contrôlés qu’un Blanc.
D’autres outils sont à l’étude pour éviter tout contrôle abusif : la remise d’une « carte de visite » (qui à
la différence d’un récépissé ne nécessite pas la création d’une base de données), et surtout la
réapparition sur les uniformes d’un matricule visible qui a disparu depuis 1985.