Contrôle d’identité: le récepissé mort né? (Respect Mag, 11 juillet 2012)

Alors que Manuel Valls vient d’annoncer que l’attestation de contrôle d’identité ne verrait pas le jour, Esther Benbassa, sénatrice EELV du Val-de-Marne, organisait une concertation sur le contrôle au faciès, ce mardi, au palais de Luxembourg, en présence d’associations, chercheurs, avocats et victimes de contrôle au faciès.

« L’attestation de contrôle d’identité, c’est le devoir d’expliquer à une personne les motifs de son contrôle, affirme Esther Benbassa. Loin d’être pensé comme une défiance et une méfiance vis-à-vis des forces de l’ordre, l’esprit de cette proposition est d’établir un pont entre police et citoyens».

Les représentants de la police et le ministre de l’intérieur qui devaient être présents à la séance de travail, organisée par la sénatrice EELV, ont été remarquables par leur absence. Pourtant, le but de cette concertation était bien de poursuivre le dialogue en vue d’aboutir à une mesure concrète et efficace, pour tout le monde.

Esther Benbassa rappelle que la mise en place d’une attestation de contrôle donne, à l’étranger, des résultats probants : « 50% de contrôle au faciès en moins, mais le but c’est de les éradiquer et dans ce cadre, la formation des forces de l’ordre contre des comportements racistes et discriminants est cruciale».

Pour Axiom, rappeur et porte-parole du collectif Stop le contrôle au faciès, l’attestation de contrôle est un outil « pragmatique », le fruit « d’un long travail de terrain » qui permettrait également « une traçabilité des contrôles d’identité ». Avec le concours d’une commission indépendante, le récépissé permettrait de quantifier les contrôles et d’en connaître le coût pour le contribuable. Il offrirait la possibilité de « pacifier les rapports entre police et population » mais surtout permettrait aux citoyens d’avoir recours à la justice en cas d’abus.

Bocar Niane, fait partie des citoyens ayant déposé plainte contre l’Etat en juin dernier pour contrôle au faciès. Une première en France. Il raconte sa mésaventure : « je me promenais en famille, un policier m’a interpellé : « police contrôle d’identité ! ». Je lui ai demandé la raison de ce contrôle et il m’a répondu: « tu veux que je te « taze ? ». Je me suis senti humilié ». Une situation que le jeune homme décrit comme le « viol d’un de mes droits les plus fondamentaux : la liberté de circuler !».

Lanna Hollo, représentante en France d’Open society justice initiative, rappelait récemment que « plutôt que de stigmatiser les agents de police, la mise en place [ d’une attestation lors d’un contrôle d’identité ] peut contribuer à redorer leur image et restaurer la confiance de la population. De plus, les expériences menées dans divers pays montrent qu’un dispositif luttant contre les contrôles au faciès, incluant un récépissé, peut améliorer l’efficacité policière en matière de contrôles et permet aux policiers de travailler dans de meilleures conditions.»

La lutte contre le délit de faciès fait partie des engagements pris par François Hollande lors de la campagne présidentielle. Le 1er juin 2012, le chef du gouvernement, Jean-Marc Ayrault, annonçait qu’un texte était en préparation pour instaurer un « reçu » destiné à lutter contre les contrôles abusifs. Il soulignait que cela n’avait « rien d’extraordinaire » et avait estimé que cela serait plutôt un facteur de « sérénité ». Manuel Valls vient d’écarter toute mise en place de récépissé de contrôle. Les syndicats de policiers y étaient farouchement opposés, sans parler de la Commission informatique et liberté (CNIL), qui estimait que le fichier qui découlerait de ces récépissés allait poser « un sérieux problème ».

Les modalités de la réforme du contrôle d’identité seront arbitrées après la remise « cet été » du rapport sur le sujet du Défenseur des Droits, Dominique Baudis, a indiqué mercredi le ministère de l’Intérieur. Manuel Valls annonce que des solutions alternatives sont examinées : le retour du matricule sur les vêtements des policiers et le port d’une « caméra bouton » qui filmeraient les interventions. Autre possibilité, la remise d’une « carte de visite », qui à la différence d’un récépissé ne nécessite pas la création d’une base de données. A suivre…