Contrôle au faciès : mal reçu 5 sur 5 (L’Humanité, 03 avril 2014)

« Alors que la mesure faisait partie des engagements de campagne du candidat Hollande, le reçu remis à l’issue du contrôle d’identité se fait toujours attendre.

LA DÉLIVRANCE D’UN REÇU POUR TOUT CONTRÔLE D’IDENTITÉ ? « La mesure est en préparation, le ministre de l’Intérieur y travaille », assénait Jean-Marc Ayrault dans les studios de BFM TV. C’était à l’été 2012. Là encore, les yeux dans les yeux. Depuis, plus rien. La magie des engagements de campagne à géométrie variable et le militantisme forcené de Manuel Valls ont (définitivement ?) grillé cette mesure pourtant soutenue par des parlementaires de tous bords. Chez les membres du collectif Stop le contrôle au faciès, l’incrédulité côtoie la colère . « Au moment de la présidentielle, notre proposition a été reprise par plusieurs candidats, dont François Hollande qui en a fait son engagement numéro 30 », rappelle Sihame Assbague, porte-parole du collectif. « Les Jeunes socialistes l’avaient même affichée comme une mesure phare. Ce n’était pas juste une annonce électorale à la veille d’une présidentielle. Bref, nous étions confiants. »

La parole du policier sera toujours plus importante que celle du citoyen…

Cette trahison passe d’autant plus mal que Manuel Valls, alors premier flic de France, avait mis en avant la complexité du dispositif de reçu comme argument d’infaisabilité. Un pur bobard, comme le démontre le lancement, il y a peu, d’une application mobile de signalement. Concoctée par le collectif et financée sur la réserve parlementaire de la sénatrice écologiste Esther Benbassa, l’appli permet aux citoyens de détailler les conditions et le lieu du contrôle dont ils ont fait l’objet. Quelques heures plus tard, ils sont rappelés par le pôle juridique du collectif qui enregistre précisément les témoignages et envisage, le cas échéant, des suites judiciaires. « Pour l’heure, le contrôle au faciès ne constitue pas un vrai problème de société, puisqu’il n’y a pas de plainte, explique Sihame Assbague. Ce qui s’explique par le fait que les gens sont résignés. La parole du policier sera toujours plus importante que celle du citoyen… » Pour gommer tout fantasme sur la question, deux chercheurs du CNRS ont mené, en 2009, une étude sur plusieurs points de passage parisiens. Résultat implacable : un « Noir » ou un « Arabe » (sic) a jusqu’à 14 fois plus de risques qu’un « Blanc » de se faire contrôler.

La mise en place du reçu aurait une vertu cicatrisante

Pour Marie-George Buffet, députée PCF-Front de gauche de Seine-Saint-Denis, porteuse de la proposition de loi n° 532 « visant à renforcer les modalités d’exécution des contrôles d’identité », la mise en place du reçu aurait une vertu cicatrisante : « Il y a un tel fossé entre la population et les forces de l’ordre que cette mesure pourrait contribuer à rétablir un climat de confiance. Elle permettrait également d’avoir une vision nationale de ces contrôles, ceci dans un but statistique, mais aussi, à terme, d’efficacité. » Mais malgré ces constats, un certain consensus politique et l’arrivée de la gauche au pouvoir, ça coince toujours. « Contrairement à d’autres discriminations, on ne mesure pas forcément la violence du contrôle d’identité, analyse Sihame Assbague. Il fait naître une humiliation qu’il faut avoir vécue pour la comprendre. Car ce qui est remis en cause, c’est votre citoyenneté.

On vous renvoie à une origine, une apparence, une religion supposées. »

À ce jour, 3 000 cas ont été traités par ce collectif composé de bénévoles. En avril 2012, il a assigné l’État sur 13 cas de contrôle au faciès. « C’est pour nous l’occasion d’entendre le ministre de l’Intérieur se justifier », précise Sihame Assbague pour qui l’arrivée de Valls à Matignon sonne comme une défiance. « C’est clairement un signal négatif de Hollande envoyé à toutes nos associations. » Pour les contrôlés résidents étrangers qui souhaiteraient voter aux élections locales, on va leur demander de patienter encore un peu. Merci. »

Pour consulter l’article sur le site de L’Humanité, cliquer ici.