Contrôle au faciès : le Défenseur des droits, Dominique Baudis, auditionné par la commission des lois
par Zied Ounissi – Le 06.11.2012 à 19:50
« Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent ». C’est probablement ce qu’ont dû penser les associations de lutte contre le contrôle au faciès suite aux déclarations de Manuel Valls début septembre. Sitôt intronisé, le nouveau premier flic de France ne cacha pas son « scepticisme » vis-à-vis de la mise en place des récépissés : « tracasserie administrative (…) inopérante [et] inefficace » avait tranché le ministre de l’intérieur.
Abandon d’une promesse de campagne ?
A l’origine, l’idée d’obliger les fonctionnaires de police à fournir un récépissé de contrôle d’identité n’avait pas été clairement évoquée par le candidat Hollande. Au fur et à mesure de la campagne, elle s’était toutefois muée en véritable promesse de campagne. Le trentième « engagement » du candidat Hollande évoque en effet la lutte « contre le délit de faciès dans les contrôles d’identité par une procédure respectueuse des citoyens ».
Le rapport du Défenseur des droits, Dominique Baudis, n’enterre pas complètement la mesure. Compte tenu de « l’hostilité » affichée du ministre de l’intérieur, le rapport ne fait qu’énoncer un ensemble de solutions. Celles-ci vont de la remise à la personne contrôlée d’un « ticket » mentionnant le matricule de l’agent, mais dont les forces de l’ordre ne garderaient pas de trace, à la remise d’un ticket suivi d’un « enregistrement de données ». Le problème que risque de poser cette seconde solution réside, d’après le Défenseur des droits, dans la création d’un « nouveau fichier de police », qui sera « d’autant plus contesté, s’il est nominatif. »
Retour du matricule sur l’uniforme
Plutôt que de se prononcer clairement sur cette question, l’ancien maire de Toulouse préfère mettre l’accent sur le retour du matricule sur l’uniforme (supprimé en 1984). C’est pour Dominique Baudis « une garantie pour le citoyen s’il est victime du comportement d’un représentant des forces de l’ordre (…) alors qu’aujourd’hui nombre de réclamations ou d’enquêtes ne peuvent aboutir, faute d’identification de l’auteur des faits reprochés ». En l’occurrence, cette mesure a déjà obtenu les faveurs de Manuel Valls. Le dernier volet du rapport porte sur l’encadrement juridique des palpations de sécurité effectuées dans le cadre des contrôles d’identité, qui en l’état actuel du droit « ne sont pas encadrées par le code de procédure pénale et le code de déontologie de la police ».
Plusieurs propositions de loi déposées au Sénat
Le sénateur centriste de Paris, Yves Pozzo di Borgo, qui a déposé une proposition de loi sur le sujet, encourage la mise en place des récépissés : « Les jeunes sont six fois plus contrôlés et les personnes de couleur le sont huit fois plus (…) il y a des tensions et de l’agressivité entre les forces de l’ordre et les habitants [auquel les pouvoirs publics doivent s’attaquer] ». Au contraire de la sénatrice écologiste du Val-de-Marne, Esther Benbassa, auteure d’une proposition de loi similaire et de nombreux travaux sur le sujet, Yves Pozzo di Borgo préconise toutefois que « le parrainage du contrôle des récépissés soit confié à l’Inspection générale de la Police nationale (IGPN) ». Esther Benbassa préfèrerait qu’il soit confié directement au défenseur des droits.
La sénatrice écologiste s’est par ailleurs prononcée en faveur de la mise en place d’un travail de « comportaliste plutôt que de récépissés (…) il faut faire travail en amont auprès des policiers (…) car les contrôles au faciès sont un facteur majeur d’énervement et d’incitation à l’émeute dans les banlieues », ajoute-t-elle. Le sénateur socialiste Jean-Yves Leconte préconise un meilleur encadrement législatif global.
Quant au sénateur UMP Jean-René Lecerf, il a profité de l’audition de Dominique Baudis pour rappeler la « nécessité de faire avancer le droit sur la question des statistiques ethniques (…) il n’est pas possible de lutter contre les contrôles au faciès sans s’attaquer à cette question (…) s’il y avait des statistiques ethniques, les policiers s’obligeraient peut-être à une forme d’autocensure ».
Syndicats de police et associations d’accord pour ne pas être d’accord !
Syndicats de policiers et associations de lutte contre le contrôle au faciès ne sont pas convaincus par les propositions du Défenseur des droits…. mais pour des raisons différentes. Les premiers, par la voix du syndicat Alliance, dénoncent un rapport qui risque de démotiver les policier sur le terrain et les seconds, par la voix du collectif Stop au contrôle faciès, un rapport qui ne comprend aucune mesure efficace. Les propositions de lois d’Ester Benbassa, d’Yves Pozzo di Borgo et d’Elianne Assassi devraient être discutées ce mois-ci au Sénat.