Compte-rendu – Atelier de réflexion aux Journées d’été EELV 2013 : ‘mettre en œuvre le droit de vote des étrangers’ proposé par Esther Benbassa (22 août 2013)

Journées d’Été 2013 – Marseille – Jeudi 22 août 2013

Intervenants

  • Esther Benbassa, sénatrice EELV du Val-de-Marne, vice-présidente de la Commission des Lois du Sénat
  • Naïma Charaï, présidente de l’Agence pour la cohésion sociale et l’égalité des chances
  • Nassurdine Haidari, conseiller municipal PS de Marseille et délégué du CRAN
  • Hakim Hallouch, élu municipal Divers Gauche de St-Ouen
  • Marc-Antoine Jamet, maire PS du Val- de-Reuil, auteur d’une tribune en faveur du droit de vote des étrangers
  • Claire Monod, conseillère régionale EELV d’Île-de-France.

 

Contexte

Après les dernières actions politiques et militantes, où en est l’opinion publique à propos du droit de vote des étrangers ? Quels recours et quelles solutions politiques pour gagner cette bataille ? Comment appliquer cet engagement présidentiel ?

Objectifs

Cet atelier s’est proposé de faire un état des lieux, avec l’éclairage apportés par les intervenants, du droit de vote des étrangers aux élections locales, promesse de campagne portée par les écologistes et toute la gauche lors de la dernière élection présidentielle.  Depuis 1981 et l’élection de François Mitterrand, premier Président de la République de gauche sous la Ve République, le droit de vote des étrangers aux élections locales est un combat sociétal qui a mobilisé de nombreux élus nationaux, locaux ainsi que des associations. L’objectif de l’atelier était donc de suggérer des pistes possibles pour défendre efficacement cet engagement.

Esther Benbassa

Esther Benbassa ouvre le forum en réaffirmant l’importance des questions sociétales pour la gauche française dans son ensemble et pour les écologistes. Elle rappelle que 8 décembre 2011 dernier, le Sénat se prononçait en faveur du droit de vote aux étrangers non communautaires aux municipales. Cependant, l’octroi de ce droit requiert une modification de la Constitution, soumise au vote des 3/5 du Parlement. Une majorité que n’a pas réussi à réunir le Premier ministre Jean-Marc Ayrault auprès des présidents des groupes parlementaires. Elle demande aux intervenants de présenter leurs parcours personnels, les actions qu’ils ont réalisées pour défendre à leur échelle cet engagement, puis d’essayer de proposer des solutions innovantes.

Marc-Antoine Jamet / Naïma Charaï

Marc-Antoine Jamet, maire socialiste du Val- de-Reuil, rappelle qu’il a toujours en mémoire la promesse de campagne de François Mitterrand en 1981. Il estime que ce combat ne doit pas être abandonné par son parti politique, désormais aux responsabilités et majoritaire au Parlement. Proche de l’ancien Premier ministre Laurent Fabius, aujourd’hui ministre des affaires étrangères, Marc-Antoine Jamet rappelle que celui-ci a toujours demandé à ses proches et soutiens politiques de défendre cet engagement lors des différentes campagnes nationales et locales depuis près de trente ans maintenant. Observant le silence éloquent du gouvernement sur le sujet depuis presque un an, il décida de publier une tribune en faveur du droit de vote des étrangers dans la presse locale de sa circonscription pour pousser un « coup de gueule ».

Quant à Naïma Charaï, présidente de l’Agence pour la cohésion sociale et l’égalité des chances et candidate PS suppléante de Noël Mamère lors des dernières élections législatives, elle rappelle que même si les 3/5 du Parlement ne sont pas atteignables actuellement pour modifier la Constitution, il est important de continuer de le défendre publiquement car cet engagement est nécessaire pour l’amélioration du « vivre ensemble » dans notre pays.

Claire Monod

Claire Monod, conseillère régionale EELV d’Ile-de-France, propose de passer rapidement à l’action sans attendre les promesses présidentielles qui ne concrétiseront pas selon elle.

Il est important, pour elle, de redonner de l’espoir en faisant des propositions concrètes pour peser sur le gouvernement et les parlementaires. L’objectif étant de créer un rapport de force et surtout de construire une dynamique citoyenne.

Le début de son intervention est construit autour d’une citation de Hubertine Auclair, grande militante féministe, datant de 1908 :

«L’universalisation du suffrage (aux femmes), décuplera la puissance de la nation, accélérera l’évolution sociale, intensifiera la sollicitude de la collectivité à l’égard de l’individu et, fera s’ouvrir pour les humains une ère de bonheur».

Elle tient à rappeler qu’historiquement, entre la première proposition de loi instituant le droit de vote aux femmes présentée à l’AN le 1er juillet 1901 et le vote de l’Amendement de Fernand Grenier instaurant le vote des femmes adopté le 24 mars 1944, la France aura attendu 43 ans pour se doter d’une démocratie ouvrant le chemin de l’égalité entre les citoyens et citoyennes.

Ainsi, elle explique que la lutte en faveur du droit de vote des étrangers ne doit pas être abandonnée et qu’il est fondamental pour les écologistes et les associations de rivaliser : « d’ingéniosité, d’inventivité, d’audace, de pugnacité et de coups d’éclat » pour parvenir à leur objectif. »

Il faut s’inspirer de Pierre Mendès-France et d’autres qui constituèrent une « liste supplémentaire » composée de femmes et qui, parfois, organisèrent des « scrutins parallèles » pour l’élection des Conseil Municipaux entre 1935 et 1936. Ou encore, de Noël Mamère lorsqu’il organisa, dans sa Mairie de Bègles, le 1er mariage entre 2 hommes, elle souhaite lancer un appel à la constitution d’une nouvelle liste « supplémentaire » (après celles des ressortissants de l’UE) dans chaque Mairie afin d’initier, la constitution de listes électorales composées de citoyens résidents en France depuis au moins 5 ans, sur la base de leur justificatif de domicile, qui pourront voter à l’occasion des élections municipales de mars 2014.

Elle propose à tous les intervenants, notamment Esther Benbassa, de s’approprier cette proposition et de la soumettre rapidement au plus grand nombre d’élus possible afin que l’idée soit entendue et défendue.

Hakim Hallouch

« Comment la citoyenneté, c’est-à-dire l’acte d’être un citoyen et de participer à la vie de la cité peut-il être amputée d’une partie du « demos » ?

Pouvons-nous exclure du peuple, les habitants de la cité ? »

Hakim Hallouch, élu municipal Divers Gauche de St-Ouen, commence son intervention par rappeler que c’est grâce à la gauche au pouvoir que de grandes avancées progressistes ont pu voir le jour : les droits sociaux, l’abolition de la peine de mort, le mariage pour tous etc.

Selon lui, la France demeure un modèle qui continue d’inspirer et d’être intégré dans la réflexion politique et sociale de nombreux autres pays : « L’ère inaugurée par la Révolution Française continue d’illuminer des regards et des consciences. »

Il précise qu’autrefois, il y avait les « sans le sous », écartés par le suffrage censitaire. Les femmes étaient elles aussi également, les jeunes, et plus récemment les citoyens de l’union européenne. Tant de catégories à qui la France refusait le droit à la participation à la vie politique.

Aujourd’hui cette situation d’exclusion concerne spécifiquement les résidents non communautaires.

« Payant leurs impôts en France, établis depuis de nombreuses années, souvent parents d’enfants français, ou conjoints de français, ils représentent selon l’Insee moins de 6% de la population totale. Pourtant, ces hommes et ces femmes, discrets mais bien présents ne sont pas audibles politiquement. »

Il rappelle que la France, sur ce sujet, est bien loin de l’exemplarité. Au sein de l’Union européenne, 13 états accordent déjà le droit de vote des étrangers.

Il estime, pour finir, que la gauche française se doit d’être une fois de plus au rendez-vous des impératifs de l’époque et avoir le courage de lever un large mouvement républicain en faveur de la justice, de l’égalité et de la fraternité.

 

Esther Benbassa clôt le forum en remerciant les intervenants ainsi que les militants d’EELV qui ont participé aux échanges constructifs de cet atelier de réflexion.