Par LAURE EQUY
« Lors du débat, le candidat PS a rappelé que la mesure, qui modifie la Constitution, devait être adoptée par trois cinquièmes des parlementaires. Faute de quoi il a annoncé vouloir la soumettre à référendum.
Une majorité des trois cinquièmes des parlementaires
Accorder le droit de vote aux étrangers hors Union européenne, vivant en France depuis cinq ans, implique de compléter l’article 3 de la Constitution: «Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques.» Une première modification a été introduite en juin 1992, deux mois avant le traité de Maastricht, pour donner aux ressortissants de l’UE le droit de vote et d’éligibilité aux municipales.
Pour réviser la Constitution, Hollande, s’il est Président, doit disposer d’«une majorité de trois cinquièmes» des parlementaires, a-t-il rappelé. Son projet de loi constitutionnel devra être voté conforme au Sénat – passé à gauche en septembre – et à l’Assemblée où, toujours en cas de victoire, le socialiste peut espérer dégager une majorité aux législatives de juin. «S’il apparaît, en additionnant les voix, que le vote dans les deux chambres permet d’atteindre les trois cinquièmes (de suffrages exprimés), Hollande convoquera vraisemblablement le congrès», explique Dominique Rousseau, professeur de droit public à Paris-I. Les 348 sénateurs et 577 députés sont alors convoqués à Versailles.
Ves un «paquet» constitutionnel?
Dans l’agenda de ses premières mesures, le candidat PS liste plusieurs réformes constitutionnelles qu’il entend adopter entre août 2012 et juin 2013: suppression de la Cour de justice de la République, statut pénal du chef de l’Etat, réforme du Conseil supérieur de la magistrature, inscription de la laïcité. L’exécutif pourrait alors soumettre au Parlement un «paquet» regroupant tous ces points, comme Nicolas Sarkozy l’a fait pour sa réforme des institutions en juillet 2008. Une fois le texte voté par l’Assemblée et par le Sénat, le Congrès le ratifie dans son ensemble, en un vote, et non article par article.
Hollande, s’il l’emporte, «peut faire un projet constitutionnel global. Pour le droit de vote des étrangers, il aura besoin de l’appoint d’une partie des forces du centre. Et s’il voit qu’il y a un obstacle, il peut sortir du texte ce point qui risque de fixer le refus de la droite», pour ne pas mettre en péril l’adoption de mesures moins clivantes – comme la suppression de la Cour de justice de la République -, analyse Dominique Chagnollaud, président du Cercle des constitutionnalistes. «S’il doit retirer un point qui pose problème, le Président doit le faire avant le vote du texte conforme au Parlement», précise Dominique Rousseau.
Le renfort des centristes? «Ce n’est pas inimaginable», pour Dominique Chagnollaud. Le patron du Modem, François Bayrou, s’était dit pour la reconnaissance d’une «citoyenneté locale» pour les étrangers en France depuis plus de dix ans, ainsi que les radicaux Jean-Louis Borloo, Rama Yade, Yves Jego. Suffisant pour passer la barre des trois cinquièmes? Tout dépend du résultat des législatives mais une «vague rose» serait nécessaire. D’autant que la droite, un temps partagée sur la question, a fait bloc pendant la campagne pour dénoncer une porte ouverte sur «le vote communautaire».
Le référendum en dernier recours
Si la mesure ne recueille pas cette majorité, «ce sera au peuple français et seulement au peuple français de pouvoir en décider», a annoncé Hollande lors du débat du 2 mai. Le droit de vote des étrangers pourrait-il faire l’objet d’un débat politique serein? «Actuellement l’opinion est travaillée par Nicolas Sarkozy qui a brandi cette mesure comme un épouvantail. Mais quand nous avions présenté ce texte, 60% de l’opinion y était favorable. Si la gauche a le pouvoir, dans cette dynamique, cela peut passer», estime la sénatrice (EELV) Esther Benbassa, rapporteure de la proposition de loi sur le droit de vote aux étrangers aux municipales, votée par le Sénat en décembre – sans être déposée à l’Assemblée.
Sarkozy, qui avait suscité un tollé en suggérant de consulter les Français sur la compétence du juge administratif sur le sort des étrangers, a beau jeu d’ironiser, ce matin sur RTL, sur l’annonce de son rival: «M.Hollande il a encore changé d’avis. Quand j’ai proposé le référendum au début de ma campagne, il a dit: « M. Sarkozy est un populiste ». Je vois qu’il termine la campagne sur une proposition de référendum, ça ne devait pas être une si mauvaise idée.» »