Ouverture par Esther Benbassa du colloque : « Israël : pour l’égalité et les libertés démocratiques de tous les citoyens »

La Sénatrice EELV de Paris Esther Benbassa a ouvert le colloque organisé par Monsieur Robert Kissous et l’Institut de Recherche et d’Études Méditerranée Moyen-Orient (L’Iremmo), organisé au Sénat sous son patronage, lundi 17 juin 2019.

Vous pouvez consulter, ci-dessous, le texte du discours introductif tenu par Esther Benbassa et les images de cette journée.

« Je suis fière d’accueillir au Sénat ce colloque organisé conjointement par L’Iremmo, la LDH, le collectif Trop c’est trop, Robert Kissous, Gilles Manceron, Bernard Ravenel, Michel Tubiana et Dominique Vidal. Je vous remercie d’avoir choisi ce sujet. A vrai dire, en tant qu’historienne des Juifs, je n’ai jamais pensé que j’aurais un jour besoin de patronner un colloque avec un tel sujet. Oui, une loi votée en juillet 2018 affirme que « seul Ie peuple juif a droit à l’autodétermination nationale ».

Un peuple, qui a tant souffert tout au long de son histoire en diaspora des retombées des nationalismes, s’érige depuis déjà un moment en peuple hégémonique, et Ie réaffirme avec cette loi qui définit Israël comme l’Etat-nation du peuple juif. Ainsi la mémoire historique s’efface-t-elle face à la volonté hégémonique d’un gouvernement, disons-le, de droite extrême.

lsraël n’est pas seulement l’Etat du peuple juif et aucune loi ne saurait démentir que ce pays est aussi celui des Palestiniens et je dirais plus largement des non-Juifs qui y sont installés depuis Ia nuit des temps, et aussi les Russes arrivés de fraîche date, dont souvent un des membres de Ia famille n’est pas juif.

Moi qui ait grandi en Israël, je ne me souviens pas avoir vu des arbres décorés de guirlandes pendant la période de Noël comme c’est le cas aujourd’hui. C’est un petit clin d’œil pour dire que le pays semble se refermer sur lui-même lorsque ses populations non juives se font plus nombreuses.

Le nationalisme galopant devient une tendance dominante sous l’influence du gouvernement de Netanyahu et de ses alliés, faisant que ce pays à la pointe de Ia technologie et de la mondialisation se referme politiquement et culturellement en montrant du doigt l’ennemi palestinien et en lui niant toute possibilité d’auto-détermination et en en faisant un corps étranger au groupe dominant numériquement dans Ie pays. Un corps étranger qu’il faut expulser de la nation pour retrouver Ia « pureté » ethnique.

Qui mieux que les Juifs connaissent les dérives de ce genre de volonté de «  pureté » ? Les peuples se laissent porter par ces sirènes qui clament une unité jamais atteinte, un repli réconfortant qui calme les peurs. Jusqu’à quand ? Le peuple juif ne s’est jamais autant épanoui qu’au contact des autres peuples, son histoire en témoigne.

Non seulement l’espoir d’un état palestinien indépendant s’éloigne depuis assez longtemps sous le gouvernement de Netanyahou et de ses alliés, mais maintenant on veut aussi rendre Israël Arabrein sous l’effet des discriminations ? Ce ne sont pas les Russes chrétiens qui inquiètent le gouvernement, mais les Palestiniens dont les droits risquent d’être rognés davantage. Veut-on les rendre invisibles pour porter plus facilement un coup fatal à toute volonté de création d’un Etat ?

La démocratie, avec cette loi, sera à deux vitesses puisqu’il y aura les citoyens de premier rang puis les Palestiniens de second rang. Et ceci comme s’il y avait eu une inversion de ce que les Juifs et les chrétiens avaient connu en terre d’islam (la dhimma). Les musulmans étaient des sujets de premier rang et les autres des sous-sujets. Va-t-on arriver à cela ? Aujourd’hui, en 2019 ?

Vous représentant le peu d’lsraéliens qui restent progressistes et les intellectuels à la conscience torturée dont quelques paroles-paroles s’exprimeront cet après-midi, ne laissez pas faire. Les pays occidentaux laissent passer les choses, les politiciens ont en tête les prochaines élections, vous au moins ne vous taisez pas.

Merci d’être Ià aujourd’hui au moins pour faire entendre une voix fluette. L’histoire ne l’oubliera peut-être pas. »

 

 

Retrouvez également le programme de cette journée de débats:

 

COLLOQUE
Lundi 17 juin 2019 – 14h-18h30
Palais du Luxembourg, Salle Clemenceau
15 rue de Vaugirard, 75006 Paris
Israël : pour l’égalité et les libertés démocratiques de tous les citoyensSous le patronage de Mme Esther Benbassa, sénatrice écologiste de Paris.

Crédit photo : Oren Ziv

Le 19 juillet 2018, le Parlement israélien adoptait une nouvelle loi fondamentale définissant Israël comme l’« État-nation du peuple juif » et dont l’article 1 affirme : « Seul le peuple juif a droit à l’autodétermination nationale. » Quelques semaines plus tard, plus de 2 000 personnes dénonçaient dans une pétition ce « postulat d’une inégalité fondamentale, inscrite dans le droit et pas seulement dans les faits, établi entre les citoyens d’un même pays, d’un côté les citoyens juifs ou d’origine juive et de l’autre côté les citoyens arabes et non juifs ». Et les signataires appelaient à « se tenir aux côtés des progressistes israéliens – sans distinction d’origine ethnique – pour exiger :

  • l’abolition de cette loi inique ;
  • l’égalité de droit de tous les citoyens israéliens ;
  • que cessent les atteintes de plus en plus graves aux libertés démocratiques et aux droits humains.

C’est pourquoi les organisateurs de cette pétition et l’iReMMO organisent un colloque autour de deux tables-rondes :

  • la première permettra pour la première fois aux principales organisations israéliennes de défense des droits et des libertés – B’Tselem, Breaking the Silence, Adalah – de faire connaître en France leur combat ;
  • la seconde donnera la parole à des personnalités israéliennes du monde de la culture et de la presse, engagées dans la défense de la démocratie.

Programme du colloque : 

14h-14h15 : Ouverture
Esther Benbassa, sénatrice écologiste (EELV) de Paris, directrice d’études à l’École pratique des hautes études.

14h15-16h : 1re table-ronde
La parole aux ONG : les atteintes aux libertés démocratiques, les lois discriminatoires, la loi État-nation.
Hagai El-Ad, directeur exécutif de B’Tselem.
Sawsan Zaher, directrice générale adjointe de Adalah.
Yehuda Shaul, fondateur et codirecteur de Breaking the silence.

16h15-18h : 2e table-ronde
La parole aux intellectuels et aux artistes : appel pour l’égalité de tous les citoyens israéliens. 
Avi Mograbi, réalisateur.
Anat Matar, philosophe, maîtresse de conférence à l’université de Tel Aviv.
Gideon Levy, journaliste.

18h : Clôture

 

Colloque co-organisé par l’iReMMO, la Ligue des droits de l’Homme,
le collectif « Trop, c’est trop! », Robert Kissous, Gilles Manceron,
Bernard Ravenel, Michel Tubiana  et Dominique Vidal.