« Ce mercredi 16 septembre au Sénat, la réaction du ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve à l’intervention de la sénatrice EELV du Val-de-Marne, Esther Benbassa, fut particulièrement cinglante. Intervenant sur la question des réfugiés aux côtés d’autres sénateurs, la sénatrice avait condamné l’attitude politique de la France, regrettant un retard à l’allumage dans l’accueil des réfugiés par rapport à l’Allemagne, faisant état d’une société civile et citoyenne plus prompte à se mobiliser pour accueillir les demandeurs d’asile que l’Etat lui-même, dénonçant la situation à Calais, et accusant le pays d’avoir historiquement accueilli des étrangers en période de reconstruction et besoin de main d’oeuvre et d’avoir gardé les bras trop fermés dans des situations critiques, citant notamment le cas des réfugiés républicains espagnols en 1939 ou les Harkis après la guerre d’Algérie. […]
A cet échange, la sénatrice a décidé de répondre par une lettre ouverte au ministre de l’Intérieur. « Ce fameux 16 septembre, M. le Ministre, vous avez piqué une colère. Dénigrant grossièrement mes propos, préparés pourtant par des heures de lectures et un véritable travail de terrain, vous m’avez donc décrite ainsi que je viens de le rappeler, sans ménagement, devant mes collègues, et devant les caméras de Public Sénat. Non content de me reprocher de squatter les télés, vous m’avez en outre reproché de théoriser dans la presse, à longueur de colonnes, sur ce « Waterloo moral » qui vous irrite tant (oubliant que la formule n’est pas de moi, mais de Cécile Duflot, mais un ministre bavard et trop heureux de parler n’est pas à ces détails près, je suppose). Je ne sais pas si vous avez le loisir de regarder la télévision, ou de lire les journaux. Sans doute pas. Parce que vous ne m’y auriez assurément pas trouvée si présente que vous le dites. Infiniment moins que vous, en tout cas! M. le Ministre, ce jour-là, vous avez adopté un comportement indigne de votre fonction. Avez-vous pensé que vous mettriez les rieurs de votre côté, et occulteriez ainsi à bon compte ce qui, pour notre pays, restera une tache effectivement indélébile de son histoire: son incapacité à relever sans délai et dignement le grand défi que l’afflux de ces réfugiés nous imposait à nous, « patrie des droits humains », de relever? Ce n’est pas une petite sénatrice récemment débarquée en politique qui le dit. Non, mais le directeur des études politiques au PS, l’historien Alain Bergounioux, qui déclarait en avril: « Si Jaurès avait été là, il n’aurait pas accepté qu’une cause humaine comme celle-là ne concerne pas le Parti socialiste! » Et d’ajouter cinq mois plus tard: « Les problèmes qui se posaient en Méditerranée étaient suffisamment graves pour agiter les consciences. On aurait peut-être dû être plus actifs. » Ce retard à l’allumage du Président Hollande, du gouvernement, et aussi du PS, personne ne l’oubliera. Quant aux propos tenus par un ministre de l’Intérieur, ce fameux 16 septembre, à l’encontre d’une élue écologiste, d’une femme, bien sûr (les deux sénateurs hommes auxquels vous vous en êtes pris le même jour ont tout de même eu droit à un traitement assez différent, comme il se doit, je suppose, lorsque la querelle est entre mâles), eh bien ces propos, parce que je suis charitable, je n’y veux voir maintenant que l’aveu involontaire, implicite, mais clair, de la défaillance et de l’échec », répond à son tour la sénatrice. Voir l’intégralité de la lettre ouverte d’Esther Benbassa sur sa page du Huffington Post. »
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