Choix du nom issu de la filiation

La majorité sénatoriale n’a qu’un but : bloquer toute simplification de la procédure de changement de nom. J’ai donc décidé de raconter mon histoire : comment, au bout de près d’un demi-siècle, je suis enfin devenue Esther (avec un h) Benbassa (avec deux s).

Intervention en séance :

Intégralité du texte prononcé :

Monsieur le Président, 

Madame la Ministre, 

Mes cher⸱e⸱s collègues, 

Tout le monde n’a pas la chance de s’appeler Dupont et de naître en Normandie. Laissez-moi vous raconter mon histoire.

Née à Istanbul, je suis arrivée en France en 1972. Mais les documents que j’ai pu produire au moment de ma naturalisation étaient ceux qu’Israël, où j’avais vécu sept ans, avait bien voulu me remettre. Les erreurs de transcription et de traduction aidant, je me suis ainsi appelée un temps Benbassat, avec un t final. 

Je me suis battue au fil des ans pour avoir un nom et un prénom qui soient vraiment les miens. Mais le désordre n’a fait que s’aggraver. 

Je crus trouver la solution en arrachant un certificat de naissance à la Turquie et en le faisant transcrire en France. Hélas, en turc, je me nomme Ester (sans h) Benbasa (avec un seul s, puisque le s, même entre deux voyelles se prononce s). En français, c’était horrible. Mon nom et mon prénom continuèrent donc de varier selon les documents (passeport, carte d’identité, décrets de nomination, etc.) et finalement le nom et le prénom que vous me connaissez ne fut au fond longtemps qu’un nom de plume. 

En 2014, je décidai d’être moi-même une fois pour toutes. La bataille fut rude. En octobre 2015, je devenais enfin Esther, avec un h, comme l’écrivait Racine. C’était déjà ça. Mais pour devenir Benbassa avec deux s, la seule graphie qui permette aux francophones de lire correctement mon nom, figurez-vous qu’il m’a fallu demander un changement de nom – que je finis par obtenir en septembre 2016. 

Bref, je ne suis l’Esther Benbassa que vous connaissez que depuis 5 ans et demi. Après presque un demi-siècle d’errances onomastiques. 

Les motivations qui amènent à entreprendre une démarche pour changer de nom sont nombreuses, et touchent toujours à l’intime. Pensons à celles et ceux victimes d’inceste, à celles et ceux abandonnés par un parent, aux mères élevant seules leurs enfants et devant sans cesse prouver leur lien de filiation.  Beaucoup trop de nos concitoyennes et concitoyens ne peuvent aller au bout de la procédure actuellement en vigueur. 

Simplifier, chers Collègues, faciliter, c’est ce que, en adéquation avec le texte adoptée par l’Assemblée, nous aurions dû faire. Malheureusement, la motion déposée par la droite sénatoriale nous privera d’un débat pourtant attendu et utile. C’est regrettable. 

Merci.

SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI