Cannabis : « La légalisation rapporterait plus de 2 milliards d’euros à l’Etat » selon la sénatrice EELV Esther Benbassa (Public Sénat, 29 janvier 2016)

« Alors qu’un pneumologue relance le débat sur la dépénalisation du cannabis, la sénatrice EELV Esther Benbassa, auteur d’une proposition de loi sur le Cannabis, veut aller plus loin. « Il faut aller de la production jusqu’au contrôle de la vente avec un travail de prévention », explique la sénatrice du Val-de-Marne. Le cannabis pourrait être « vendu dans les pharmacies » imagine l’écologiste. Dénonçant l’hypocrisie française, elle pense que « dans quelques années, ce tabou va tomber ». Entretien.

Un pneumologue réputé, Bertrand Dautzenberg, propose dans Le Parisien de revenir sur l’interdiction du cannabis. Vous avez déposé la première proposition de loi proposant un « usage contrôlé du cannabis » (lire notre article sur le sujet). Comment recevez-vous sa prise de position et pourquoi faut-il dépénaliser selon vous ?
La dépénalisation seule n’est pas suffisante. Comme le dit le pneumologue, qui n’est pas un affreux gauchiste ou un consommateur de cannabis – moi-même je n’ai jamais consommé – nous sommes terriblement en retard. C’est un problème grave. La consommation de cannabis n’est pas une affaire anodine, il faut mettre des gardes fous. Mais l’essentiel aujourd’hui, c’est de légaliser de manière contrôlée afin de pouvoir mieux accompagner, utiliser les bénéfices de cette vente pour aider les personnes addcites. Mais des millions de consommateurs ne sont pas addictes. La consommation récréative n’a rien de dangereux si on ne l’additionne pas à l’alcool. Je suis d’accord avec ce qu’a dit le pneumologue à l’ouverture du congrès de pneumologie à Lille, la France est un des pays qui a la législation la plus répressive à l’endroit de la consommation du cannabis et la consommation est en nette augmentation. La consommation de cannabis est autorisée en Hollande et c’est chez nous qu’on en consomme le plus.

C’est hypocrite de fermer les yeux et de ne pas voir les millions de personnes qui consomment, plutôt que d’aider les familles dans un climat serein. Dans les Etats américains où la vente est contrôlée, le niveau de THC du cannabis est contrôlé et on ne fait pas consommer aux gens n’importe quoi qui peut être dangereux. Il faut aller de la production jusqu’au contrôle de la vente avec un travail de prévention et d’accompagnement.

Aujourd’hui, on met les mains sur les yeux pour ne pas voir la réalité. C’est dangereux. Il y a là aussi une question de classe. Les jeunes qui consomment dans les beaux quartiers ne sont pas attrapés alors que les jeunes moins favorisés sont sujets à plus de répression et nos tribunaux n’ont pas besoin de tout ça. On pourrait faire de vraies économies au niveau des tribunaux.

A combien estime-t-on l’argent que pourrait rapporter à l’Etat une légalisation de la vente de cannabis ?
Plus de 2 milliards d’euros, sans compter la création d’emplois, plus de 30.000. Et c’est une estimation très basse. Et ça ferait un nouveau revenu pour les agriculteurs. Les Américains sont aussi conservateurs que nous, mais sur le sujet, ils sont pragmatiques.  Ils ont mis l’argent dans des rénovations d’écoles, c’est plus positif que de faire passer devant les juges un jeune qui a consommé un joint. Ça sert à quoi ? Ça ne l’empêchera pas de consommer. Nous n’avons aucun contrôle sur la qualité, sur la production.

Lors du débat sur ma proposition de loi, gauche et droite unies disaient que si on légalise le cannabis, le commerce alternatif continuera, que ça mènera à l’héroïne. Il est pourtant démontré qu’on ne passe pas directement d’une consommation de cannabis à celle d’héroïne. C’est un argument moral. On ne gère pas des problèmes sociaux avec de la morale, mais avec l’intelligence et la rationalité.

Souhaitez-vous une Seita du cannabis, comme l’ancienne entreprise publique qui avait le monopole sur la culture du tabac en France ?
Je ne suis pas pour la Seita du cannabis. Je suis plus libérale à ce niveau. Par exemple, ça peut être vendu dans les pharmacies ou les coffee shop, comme en Hollande. Il y a plusieurs formes à trouver. On peut mêler l’Etat et le privé. Aujourd’hui, consommer du cannabis n’est pas plus dangereux que consommer du tabac, ça dépend de la quantité. […] »

 

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