Barbara Pompili a succédé à Élisabeth Borne au ministère de la Transition écologique, lundi 6 juillet. Soutien de longue date d’Emmanuel Macron, elle ne laisse pas présager un virage écolo. Autre fidèle du Président, Julien Denormandie est nommé à l’Agriculture. Annick Girardin est nommée à la Mer, un ministère dont on ne connaît pas encore le périmètre.
Son nom est tombé lundi 6 juillet peu après 19 h parmi ceux des ministres nouvellement nommés : Barbara Pompili devient la quatrième ministre de la Transition écologique sous Emmanuel Macron, après Nicolas Hulot, François de Rugy et Élisabeth Borne. À noter que son ministère, placé en deuxième position de présentation du gouvernement, perd le qualificatif de «solidaire». Elle sera entourée d’Emmanuelle Wargon et de Jean-Baptiste Djebbari, qui restent respectivement secrétaires d’État au Logement et aux Transports. Quant à Brune Poirson, auparavant secrétaire d’État qui avait notamment porté la loi anti-gaspillage et économie circulaire, elle n’a pour le moment récupéré aucun portefeuille, mais pourrait poursuivre son action au sein du gouvernement. Élisabeth Borne, elle, est nommée ministre du Travail, de l’emploi et de l’insertion. «Au travail!» , a sobrement tweeté Barbara Pompili vers 19 h 30, juste après sa nomination.
Une bonne nouvelle pour l’écologie? Barbara Pompili est un soutien de longue date d’Emmanuel Macron, qu’elle a rallié en mars 2017. Elle a ainsi été réélue en juin 2017 députée de la 2e circonscription de la Somme sous la bannière non plus d’Europe Écologie — Les Verts (EELV), comme en juin 2012, mais sous celle de La République en marche (LREM).
Ses positions ont parfois contredit celles du gouvernement macroniste. En mai 2018, lors des débats sur la loi Agriculture et alimentation, elle a défendu un amendement pour une meilleure information sur les étiquettes des produits alimentaires (OGM, élevage en cage, pesticides, etc.), contre l’avis du gouvernement.
Sévère avec le nucléaire
Rapporteure de la Commission d’enquête parlementaire sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires, elle a pointé avec sévérité les faiblesses de la filière nucléaire française, à rebours du soutien sans faille au nucléaire affiché par Emmanuel Macron, Édouard Philippe (un ancien d’Areva) et Bruno Le Maire. «On ne peut s’empêcher de remarquer qu’il y a un certain paradoxe à promouvoir des échanges intercontinentaux tout en voulant maîtriser les émissions de gaz à effet de serre et en promouvant la consommation locale», avait-elle par ailleurs déclaré en juillet 2019 au sujet du Ceta, l’accord commercial de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada.
Plus récemment, elle a rédigé plusieurs amendements au projet de loi de finance rectificative discuté à l’Assemblée nationale la semaine dernière, demandant par exemple que les aides d’État accordées aux entreprises dans le cadre de la crise du coronavirus soient assorties de conditions écologiques fortes. Mais elle les a retiré sous la pression gouvernementale.
Il lui sera difficile de gagner des arbitrages dans ce nouveau gouvernement très peu écolo et très orienté à droite, même si Emmanuel Macron tente de verdir son image à la suite des succès remportés par Europe Écologie — Les Verts aux élections municipales. Nicolas Hulot avait d’ailleurs fini par claquer la porte fin août 2018, écœuré par le poids des lobbies sur le gouvernement et par une politique des «petits pas».
Bien avant la députation, Barbara Pompili était familière des questions écologistes. Elle a commencé sa carrière politique aux Verts en 2000 et y a notamment été cinq années durant l’assistante parlementaire d’Yves Cochet. Mais elle a pris ses distances avec EELV dès 2015 pour rejoindre un groupe de députés dissidents, parmi lesquels Denis Baupin, François de Rugy et Jean-Vincent Placé, favorables à une participation des écologistes au gouvernement de Manuel Valls.
Elle a quitté définitivement le parti écologiste en septembre 2015 et a été nommée, en février 2016, secrétaire d’État chargée de la biodiversité auprès de Ségolène Royal. Elle a fait adopter la loi biodiversité de juillet 2016, marquée par quelques avancées mais beaucoup d’occasions manquées du fait de la pression des lobbies. Elle portait aussi un amendement du gouvernement affaiblissant gravement la notion de préjudice écologique, qu’elle a été obligée de retirer précipitamment, sous la pression de plusieurs personnalités écologistes comme Arnaud Gossement et Delphine Batho.
«Nous sommes malheureusement sceptiques sur l’influence réelle qu’elle pourra avoir face à un Président omniprésent»
Sa nomination a suscité des réactions tièdes de la part des écologistes. «Depuis le début du quinquennat d’Emmanuel Macron, une chose est claire : peu importe la personne au poste de ministre de la Transition écologique, le Président décide de la politique environnementale de la France. L’expérience et l’engagement de Barbara Pompili pour l’environnement ne font aucun doute, mais nous sommes malheureusement sceptiques sur l’influence réelle qu’elle pourra avoir face à un Président omniprésent et une majorité qui détricote systématiquement toute avancée significative en faveur du climat», a déclaré le directeur général de Greenpeace France Jean-François Julliard dans un communiqué. «Bon vent à Pompili ministre de l’Écologie. Une feuille de route simple, celle de la [convention citoyenne pour le climat]. Espérons qu’elle fasse mieux que lors de son passage comme secrétaire d’État à la biodiversité sous Hollande. Assez de discours, des actes», a laconiquement twitté Julien Bayou, secrétaire national d’EELV.
Ester Benbassa, sénatrice écologiste, a salué avec humour la nomination- : «Toutes mes félicitations à Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique. Pour ce qui est de l’écologie, je ne sais pas. Mais pour ce qui est de la transition, c’est incontestablement une experte : verte, puis vallsiste, puis macroniste. On attend la suite avec impatience.»
Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture et de l’alimentation
C’est une promotion pour un macroniste de la première heure. Julien Denormandie a été directeur de cabinet adjoint d’Emmanuel Macron quand il était ministre de l’Économie, puis membre de l’équipe de création de En marche!. Il a été nommé secrétaire d’État dès le début du quinquennat. En octobre 2018, il montait en grade, devenant ministre de la Ville et du Logement auprès de Jacqueline Gourault. Il est désormais à la tête d’un ministère de premier plan : l’Agriculture.
Ayant fait ses classes à AgroParisTech, ingénieur des Eaux et Forêts, ses diplômes témoignent d’une connaissance du domaine. Mais sa carrière, en ambassade puis dans les ministères, lui donne un profil de haut fonctionnaire bien éloigné des champs et des problématiques rurales. Il n’a d’ailleurs jamais été élu, n’a aucun ancrage local contrairement à ses prédécesseurs et en particulier Didier Guillaume (implanté dans la Drôme), qu’il remplace. Ce presque quadragénaire (39 ans) a préféré compléter son CV avec une expérience d’entrepreneur. Il expliquait à Paris Match, en 2017, avoir voulu créer une start-up dans le domaine de l’apprentissage par le numérique. Bref, un parfait représentant de la génération Macron.
Il a pu manier – un peu – les questions écologiques au Logement, en se penchant sur la question de la rénovation énergétique, qu’il a défini comme une de ses «priorités». Mais la politique du gouvernement dans le domaine n’a guère réussi à éclaircir le maquis d’aides existantes, ni à accélérer le rythme de ces rénovations, a pu constater Reporterre, pourtant considérées comme indispensables pour diminuer les dépenses d’énergie d’un secteur très consommateur.
Il a aussi signé des mesures censées lutter contre l’artificialisation des sols en participant au plan biodiversité du gouvernement, sans freiner pour autant la poursuite de projets bétonnant terres agricoles et espaces naturels. Face aux difficultés de nombreux locataires dues à la crise du Covid-19, et aux associations qui demandaient un moratoire sur les loyers, il avait préféré souligner que cela mettrait «en difficulté certains propriétaires».
En ce qui concerne l’écologie, sa parole est la même que celle de son mentor. «Sur les centrales à charbon, songez qu’il y a encore des centrales à charbon dans notre pays, on est le premier gouvernement à y mettre fin. Sur le glyphosate, ça fait des années que ça existe le glyphosate, on est le premier gouvernement à dire, y compris à Bruxelles, ça ne va pas assez vite, donc on va faire cette transition», défendait-il sur LCI en mai 2019, après le succès des écologistes aux Européennes.
La politique agricole pourrait donc être dans la droite ligne des déclarations du président de la République sur le sujet. Revenant sur sa promesse, Emmanuel Macron a notamment déclaré que la sortie du glyphosate en trois ans n’était finalement «pas faisable».
Parmi les autres dossiers qui attendent le ministre, se trouvent la négociation de la future Politique agricole commune (le gouvernement français pousse pour un gros budget, mais pas pour un verdissement massif), une loi foncière longtemps promise pour endiguer la disparition des paysans et pour l’instant reportée, ou encore l’épineux dossier de l’élevage industriel, du bien-être animal et des conditions d’abattage.