par Esther Benbassa, sénatrice EELV de Paris, directrice d’études à l’EPHE (Sorbonne)
Il aura donc suffi de quelques minutes de sincérité pour faire voler en éclats le vernis écologique d’un Président et de tout un gouvernement. Nicolas Hulot a fini par démissionner, ce mardi 28 août.
Une écologie décorative
Si l’écologie est la grande cause de l’avenir et l’urgence du présent, elle ne peut pas se limiter à des déclarations ou à des slogans comme « Make the planet great again« . Elle exige des actes forts, un engagement sans faille, le courage d’une radicalité assumée.
La canicule qui a sévi cet été en Europe et ailleurs nous l’a rappelé. La planète ne cesse plus de lancer des signaux d’alarme. Le danger est grand, le réchauffement climatique est une réalité, la barrière de deux degrés fixée par la COP 21 ne tiendra pas longtemps si les gaz à effet de serre ne sont pas réduits par un profond changement de modèle.
Nicolas Hulot, ex-président de la Fondation qui alors portait son nom, au gouvernement avec un portefeuille de ministre d’Etat, constituait une prise de guerre pour Macron.
Les écologistes, quant à eux, ont pu un moment s’imaginer qu’ils avaient désormais là un allié haut placé, susceptible de faire avancer la cause en matière d’alimentation, de transports, d’environnement, de biodiversité, de protection du vivant, de réduction de l’utilisation des pesticides, d’agriculture bio, de baisse de la part du nucléaire dans la production de l’électricité, d’entrée de plain-pied dans la transition écologique tant attendue.
Mais pour Macron, l’écologie n’a jamais été plus que décorative, signe vaguement distinctif d’une modernité dont il se réclame, de ce monde nouveau dont il se prétend le champion. Pour le reste, rien ne doit changer. En tout cas pas le modèle économique ultralibéral qu’il promeut, évidemment incompatible avec les exigences d’un Hulot, homme de convictions.
Cette démission est-elle une surprise?
Sûrement pas. Les écologistes l’attendaient – tout en la redoutant un peu – depuis un moment déjà tant il était clair que la marge de manœuvre du ministre se rétrécissait jour après jour et menaçait de se refermer sur lui.
Son éviction de la tenue et du suivi des Etats généraux de l’alimentation en automne 2014 en fut un des témoignages. Lors des débats parlementaires sur projet de loi agriculture et alimentation (Egalim), avant les vacances, portée par Stéphane Travert, ministre de l’Agriculture, ex-socialiste, les clivages entre ce dernier et Nicolas Hulot ont sauté plus que jamais aux yeux. En fait, Stéphane Travert défendait la ligne du gouvernement. Hulot ne comptait pas. Seuls comptaient les choix d’un exécutif pour qui l’environnement, la condition animale, la santé des consommateurs n’étaient nullement une priorité.
Hulot a certes pu intervenir auprès du Président pour dénouer l’affaire de Notre-Dame-des-Landes et réussi à introduire dans l’article premier de la Constitution, et non dans l’article 34 comme prévu, les mots « environnement, climat et biodiversité ». Encore faudrait-il que la réforme constitutionnelle, mise à mal par l’affaire Benalla, aboutisse.
Nicolas Hulot fait une sortie tonitruante, montrant ce que valent les plans com’ du pouvoir dont nous sommes continuellement abreuvés: rien, en fait, face à la vérité simplement dite. Il part au lendemain de la réunion sur la réforme de la chasse qui s’est déroulée en présence d’un lobbyiste des chasseurs, quand le gouvernement a décidé d’abaisser le prix du permis de chasse national et vise à mettre en place une soi-disant « gestion adaptative des espèces d’animaux chassés ». Nicolas Hulot ne pouvait pas accepter cet affront. Un de plus.
Dira-t-on que sa démission démontre que les personnalités issues de la société civile sont moins enclines à accepter les compromis, ce qui les distinguerait des professionnels de la politique et des technocrates grands avaleurs de couleuvres ? Peut-être. Mais est-ce en l’occurrence le vrai problème ?
Fin d’une mise en scène
Ce qui compte, c’est que Hulot a mis fin à cette mise en scène de l’écologie pratiquée par le gouvernement. Qui le remplacera ? Peu importe en fait. On sait déjà ce que pourra faire son successeur, quel qu’il soit: guère plus que lui, autant dire pas grand-chose. L’écologie n’a pas beaucoup avancé avec Hulot au gouvernement. On peut hélas douter qu’elle avance davantage sans lui.
Que faire, désormais? De l’écologie politique. Rassembler toutes les forces écologistes de ce pays, partidaires, associatives et citoyennes. Peser par une mobilisation de tous les instants. En sachant qu’il n’y aura pas de « ruissellement » venant d’en haut, par l’entremise de quelque ministre-providence, mais que c’est par la base d’abord que les défis écologiques seront relevés.
Et en rappelant que si la gauche de gouvernement a failli et dévalué, par son action, les grands principes dont elle se réclamait, il nous reste cependant une ressource, qui n’est ni à droite, ni au centre : l’écologie politique, gauche alternative non diluable dans l’ultralibéralisme économique, indissociable d’une exigence sociale authentique, et rétive aux lobbyismes de tous poils.
Incompatible, en un mot, avec le macronisme. Même Hulot a fini par le comprendre.