Au nom de quel «peuple» prétendent-ils tous parler? (Slate, 24 septembre 2015)

« Michel Onfray, Jean-Luc Mélenchon, Podemos, Marine Le Pen: tous en appellent au «peuple»… mais pas forcément au même, ni nécessairement contre les mêmes adversaires.

C’est un tout qui a l’immense mérite de rassembler contre quelque chose. L’invocation du«peuple» dans les joutes politiques est fort ancienne. Elle permet de prendre le parti du plus grand nombre tout en isolant un adversaire à l’identité fort variable: «les élites», «la caste» ou encore «les étrangers», c’est selon.

Michel Onfray, dernier héros d’une de ces polémiques dont raffole la scène publiquefrançaise, s’est proposé en défense du «peuple old school». Son peuple à lui –«le peuple qui est le mien et que j’aime», dit-il– se définit en opposition aux «micropeuples de substitution» que constitueraient les «marges» de la société mais aussi ses «étrangers». […]

Peuple discriminé

Exiger «l’assimilation» alors que l’intégration de tant de Français d’origine immigrée pose problème relève d’un irréalisme flagrant. Car il y a effectivement un vrai problème de cohésion du «peuple».

Qu’on le veuille ou non, les «classes populaires» sont aujourd’hui traversées par des clivages ethniques

La sénatrice écologiste Esther Benbassa milite pour l’établissement de statistiques ethniques pour mieux lutter contre des inégalités réelles.«Il ne faut pas se cacher derrière la langue de bois: aujourd’hui, ceux qui souffrent des discriminations, ce sont les populations arabo-musulmanes», argumente-t-elle.

Qu’on le veuille ou non, les «classes populaires» sont aujourd’hui traversées par des clivages ethniques. Les populations immigrées ou d’origine immigrée ne sont pas, c’est un euphémisme, également réparties sur le territoire. Cette segmentation géographique accentue les coupures et les méfiances.

L’islam constitue encore un marqueur identitaire qui donne une visibilité supplémentaire à la différence ethnique. Dans le vocabulaire usuel, les «quartiers populaires» sont synonymes de quartiers à forte population d’origine immigrée, souvent issue du Maghreb ou de l’Afrique subsaharienne.

Ajoutons que, si les taux de chômage sont effectivement plus élevés dans ces catégories sociales, le cliché de «l’immigré» vivant de l’assistanat occulte la réalité du prolétariat actuel: les labeurs les plus pénibles sont largement exercés par les populations d’origine immigrée. […]

 

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