« Associations, syndicats ou politiques : plusieurs voix s’élèvent pour dénoncer les abus de l’état d’urgence décrété à la suite des attentats du 13 novembre.
Annoncé par François Hollande dès le vendredi 13 novembre, juste après les attentats terroristes de Paris ayant fait 130 morts, l’état d’urgence a été déclaré officiellement le lendemain lors du Conseil des ministres « sur le territoire métropolitain et en Corse ». Un décret a été publié au journal officiel et est immédiatement entré en application. Moins d’une semaine après, l’Assemblée nationale a adopté à la quasi-unanimité un projet de loi renforçant et prolongeant pour trois mois l’état d’urgence.
La loi du 3 avril 1955 qui définit l’état d’urgence donne aux autorités des pouvoirs élargis sur la circulation et le séjour des personnes ainsi que sur la fermeture des lieux ouverts au public. Cet état d’exception permet également au ministre de l’Intérieur et au préfet de procéder à des perquisitions administratives de jour comme de nuit sans passer par un juge, mais aussi d’assigner à résidence des individus en dehors de toute procédure judiciaire.
Alors que la Commission des lois du Sénat a créé mercredi 25 novembre un comité de suivi de l’état d’urgence, certaines voix s’élèvent déjà pour dénoncer les abus causés par la situation, comme cette avocate qui raconte que le père de son client a été blessé lors d’une perquisition administrative. De son côté, le site du « Monde » a mis en place un observatoire de l’état d’urgence, tout comme l’association La Quadrature du Net qui tient un « recensement des joies (ou pas) de l’état d’urgence en France ». Quels sont les arguments des anti-état d’urgence ? Tour d’horizon.
# Une restriction des libertés fondamentales
- « Il nous paraît essentiel de rappeler que rien ne doit nous faire sortir de l’Etat de droit et nous priver de nos libertés », expliquent des associations de défense des droits de l’Homme. « L’état d’urgence ne peut devenir un état permanent et les conditions de sa mise en œuvre ne sauraient entraver la démocratie sociale, l’exercice de la citoyenneté et le débat public. »
- Dans un communiqué, le syndicat de la magistrature dénonce « le discours martial » repris par l’exécutif et affirme que « sa déclinaison juridique dans l’état d’urgence ne peut qu’inquiéter ». « L’état d’urgence modifie dangereusement la nature et l’étendue des pouvoirs de police des autorités administratives. Des interdictions et des restrictions aux libertés individuelles et collectives habituellement encadrées, examinées et justifiées une à une deviennent possibles par principe ». « La France a tout à perdre à cette suspension, même temporaire, de l’Etat de droit », ajoute-t-il.
- « Ces pouvoirs [exceptionnels élargis du gouvernement] constituent une atteinte aux droits à la liberté, à la sécurité, à la liberté de mouvement, à la vie privée et aux libertés d’association et d’expression », déclare de son côté Human Rights Watch. « Toute proposition visant à étendre les pouvoirs accordés au gouvernement par la loi d’urgence au-delà de trois mois devrait être examinée par le Parlement dans le cadre d’une procédure permettant un débat de fond et la participation de la société civile. »
# Le risque de tomber dans un Etat policier
- Selon la Quadrature du net, « depuis le début de l’état d’urgence samedi dernier, nombre de perquisitions administratives conduites le sont pour des affaires relevant du droit commun, sans aucun lien avec la lutte antiterroriste, et préfigurent un État policier que la prorogation de trois mois risque de banaliser ».
- « Les lois successives sur la sécurité, le renseignement et l’anti-terrorisme qui n’ont […] pas permis d’éviter ces attaques ainsi que les propositions actuelles du Chef de l’Etat d’accroître dans l’urgence les pouvoirs de l’exécutif (Etat d’urgence et révision constitutionnelle) sont inquiétantes en ce qu’elles accentuent encore la dérive vers la constitution d’un Etat policier, sans contre-pouvoir effectif. Elles sont une menace pour les libertés fondamentales », renchérit le syndicat des avocats de France.
# Une décision prise dans la précipitation
- Dans une tribune publiée dans « Le Monde », Pouria Amirshahi, député PS des Français établis hors de France, estime que la prolongation se fait « dans la précipitation ». Il y explique que « les actions de justice de police ont montré que le besoin prioritaire de moyens et de coordination entre services était plus important sans doute que les dispositifs exorbitants de droits communs accordés aux services de sécurité que constituent par exemple la dernière loi renseignement ou une durée anormalement longue d’un état d’urgence ».
# Tout est déjà dans la loi
- « Perquisitions de nuit, assignations à résidence, enquêtes, filatures, surveillance électronique, dissolution d’associations, expulsion d’imams appelant à la violence, tout est déjà prévu dans nos lois. Tout est déjà réalisable par les policiers, gendarmes et agents de renseignement sans prolonger l’état d’urgence », détaille Isabelle Attard, députée du Calvados apparentée écologiste, sur son blog.
# L’histoire ne donne pas raison à l’état d’urgence
- « Je suis d’abord une historienne avant d’être un politique », explique la sénatrice EELV Esther Benbassa. « Je n’ai pas oublié l’état d’urgence de 1961 qui a duré quand même trois ans et qui a donné lieu aux tueries du 17 octobre 1961 et celle du 8 février du métro Charonne. Je comprends qu’il y ait une obligation de la part de l’Etat de donner un signal de sécurité à la population, que l’état d’urgence soit mis en avant pour dire qu’on est à l’écoute des peurs et des craintes des gens mais je ne crois pas que le tout sécurité soit la seule réponse. C’est l’une des réponses. Le phénomène est multi-facettes », souligne-t-elle. […]
Pour (re)lire l’article de L’Obs, dans son intégralité, cliquez ici !