Antiterrorisme: le Sénat a massivement approuvé le projet de réforme pénale (AFP, 5 avril 2016)

« Moins d’une semaine après le retrait par François Hollande de la réforme constitutionnelle qu’il avait annoncée après les attentats de novembre, le Sénat a massivement adopté mardi, après l’avoir renforcé, le projet de réforme pénale prévu pour prendre le relais de l’état d’urgence.

 

Les sénateurs ont voté par 299 voix contre 29 le texte qui doit faire à présent l’objet d’une commission mixte paritaire (7 députés et 7 sénateurs) chargée de trouver une version commune aux deux chambres. A l’Assemblée il avait été adopté par 474 voix contre 32, et 32 abstentions

 

Les sénateurs communistes, les écologistes, et un RDSE (à majorité PRG), Pierre-Yves Collombat, ont voté contre. Quatre socialistes, un centriste, un Les Républicains(LR) et 10 RDSE se sont abstenus.

 

« Le Sénat a contribué à rendre le texte plus sévère et plus efficace dans le respect de l’Etat de droit », s’est félicité le président du groupe LR Bruno Retailleau.

 

« Le Sénat a marqué de son empreinte ce texte », a estimé de son côté le chef de file centriste François Zocchetto. « Nous nous sommes efforcés de renforcer la sauvegarde des libertés individuelles et l’efficacité de la lutte contre le terrorisme. Il en ressort un texte plus équilibré, plus précis, en un mot, meilleur ».

 

« La période n’est pas à la surenchère sécuritaire et démagogique, mais à la réflexion et à l’apaisement », a plaidé Cécile Cukierman (Communiste, républicain et citoyen, CRC). « Ne tombons pas dans le piège des obscurantistes, c’est la liberté et le combat social qui permettront à la République de triompher ».

 

« Le groupe écologiste ne votera pas ce texte, pas plus qu’il n’a voté les précédents, même s’il reconnaît que certaines dispositions sont pertinentes », a lancé en son nom Esther Benbassa. « Ce n’est ni par laxisme, ni par naïveté, mais avec la conviction profonde que nombre des dispositions qu’il contient constituent une atteinte grave à nos libertés et à nos droits fondamentaux ».

 

« Même si tous les articles ne répondent pas à nos souhaits, j’invite à voter ce texte », a dit Jacques Bigot (PS). « Les valeurs de la République sont notre socle intangible et nos devons nous donner les moyens pour faire face au terrorisme ».

 

Le projet de loi entend « renforcer » les outils à disposition des autorités administratives et judiciaires, pour accroître l’efficacité de la lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme et augmenter les garanties au cours de la procédure pénale.

 

Il intègre plusieurs dispositions de la proposition de loi destinée à renforcer l’efficacité de la lutte antiterroriste adoptée au Sénat en février, notamment la possibilité de recourir aux perquisitions de nuit lors des enquêtes préliminaires et la possibilité de condamner les terroristes à la perpétuité réelle.

 

La commission des lois du Sénat a repris d’autres dispositions de ce texte, comme l’organisation d’un régime plus rigoureux d’exécution des peines pour les détenus terroristes, la création d’une circonstance aggravante permettant de criminaliser certains délits d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, la possibilité de saisie des correspondances électroniques et la création d’une juridiction parisienne spécialisée en matière de cybercriminalité.

 

En séance, le Sénat a créé de nouveaux délits, comme la consultation habituelle de sites terroristes ainsi que le séjour intentionnel sur un théâtre étranger d’opérations terroristes.

 

Il a aussi encadré les conditions d’exécution et d’aménagement des peines des condamnés pour actes de terrorisme, dont celle de perpétuité réelle.

 

Les sénateurs ont par ailleurs prévu une irresponsabilité pénale des forces de l’ordre faisant usage de leur arme pour empêcher un ou plusieurs meurtres. Ils ont renforcé la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, notamment en interdisant le paiement par cartes monétaires rechargeables quand elles ne peuvent être rattachées à un utilisateur identifiable.

 

Le Sénat a aussi adopté une série d’amendements de Leila Aïchi (écologiste) visant à doubler les peines prévues en cas de prise illégale d’intérêt, de trafic d’influence et de corruption lorsqu’ils concernent la santé publique. Cette initiative fait suite au faux témoignage d’un pneumologue, Michel Aubier, devant la commission d’enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l’air. »