par Tristan Quinault Maupoil,
« Après son adoption en septembre à l’Assemblée nationale, le projet de loi visant à lutter contre les nouvelles formes de terrorisme a commencé a être examiné mercredi par les sénateurs. Plusieurs voix s’élèvent pour dénoncer des mesures jugées liberticides.
L’examen par le Sénat sera express : le projet de loi antiterroriste de Bernard Cazeneuve est arrivé mercredi dans l’hémicycle du Sénat. Une seule lecture, le gouvernement ayant décidé d’opter pour la procédure d’urgence.
Deux mesures attirent l’attention : le blocage des sites internet faisant l’apologie du terrorisme et l’interdiction de sortie du territoire pour les individus suspectés de vouloir aller faire le djihad. Plusieurs collectifs parlent de dispositions « liberticides ». « Développement sans fin d’un arsenal répressif déjà très lourd, création d’une nouvelle infraction de l’intention, création de pouvoirs exorbitants de l’administration sur les citoyens, leurs déplacements, leur expression, notamment sur le Net, détricotage du droit de la presse, accroissement des pouvoirs de police et de la justice dans des domaines allant bien au-delà du terrorisme : autant de dévoiements de notre droit, que la lutte contre le terrorisme ne saurait légitimer », écrit ainsi la Quadrature du net, un rassemblement d’internautes.
A la tribune, Bernard Cazeneuve a tout de suite voulu déminer les critiques, notamment autour de l’interdiction de sortie du territoire. « Cette mesure n’interviendra que si l’administration a suffisamment d’éléments », a assuré le ministre de l’Intérieur, ajoutant que les droits de celui qui est suspecté seront garantis. « C’est une mesure temporaire motivée par le juge », a plaidé Alain Richard, le rapporteur PS du texte. Jean-Jacques Hyest (UMP), souligne que la Commission des Lois, dont il est le co-rapporteur, « a vérifié qu’il n’y avait pas de problème de liberté publique et d’inconstitutionnalité ». « Je rappelle que certains pays ne se sont pas embêtés avec les libertés publiques. Il faut être précautionneux », a concédé le sénateur, tout de même favorable au texte. A l’UMP, seule Joëlle Garriaud-Maylam (Français de l’étranger) a exprimé ses doutes. « C’est une délicate équation. Le projet de loi est bienvenu mais je suis sceptique. Le retrait de la carte d’identité française ou du passeport pourra être détourné par les binationaux et cette mesure va à l’encontre des libertés ». Celle-ci s’interroge également sur le blocage des sites qui vantent le terrorisme. « Il serait plus utile de surveiller les visiteurs, de faire des faux sites », avance la sénatrice. L’élue estime que le blocage peut « accentuer la victimisation des personnes censurées ». Les remarques de Joëlle Garriaud-Maylam ne sont toutefois pas représentatives du soutien massif du groupe UMP au texte du gouvernement.
Benbassa provoque l’indignation du PS
C’est à la gauche de la gauche que les remarques sont les plus tranchées. Sénatrice EELV du Val-de-Marne, Esther Benbassa a exprimé son opposition au texte. « Le groupe écologiste, pour sa part, continue de penser que la mesure que vous défendez aujourd’hui est pour le moins liberticide et probablement pas très efficace. Nous ne pourrons donc, en cohérence avec ce que nous défendons depuis longtemps, voter ce texte », a-t-elle lancé.
Mais l’écologiste s’est surtout attirée les foudres de l’ancien ministre de la Défense, Alain Richard quand elle a tenté d’expliquer les raisons des départs vers la Syrie. « Beaucoup, dont les parents et les grands-parents ont été humiliés pendant des décennies, ne se voient pas d’avenir chez nous », s’est exclamée Esther Benbassa provoquant l’indignation du socialiste : « C’est inacceptable ». Auparavant le ministre de l’Intérieur avait affirmé que « rien ne peut justifier ce basculement. Aucune excuse est possible ».
Éliane Assassi, la présidente du groupe communiste a dit vouloir « se refuser au tout sécuritaire » tout en affirmant qu’elle « ne cède pas à l’angélisme ». « Ce n’est pas en renforçant ces dispositions que nous comprendrons les causes du terrorisme », a déclaré la sénatrice de Seine-Saint-Denis.
Bernard Cazeneuve a lui voulu rappeler « la force de la propagande diffusée sur l’espace numérique ». Le Sénat devra trancher si les sites internet pourront être bloqués 24 ou 48 heures après la demande de l’administration. Alain Richard a défendu la mesure, parfois présentée comme inefficace : « Si on attend une mesure 100% efficace, on ne fait rien ».
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