Amour, gays, lesbiennes, sexe et mariage au Sénat. Jour 1 (Huffington Post, 5 avril 2013)

Le projet de loi sur le mariage pour tous est passé en commission des Lois de justesse la semaine dernière, avec 2 voix, celles de deux sénateurs… de droite ! Deux sénateurs de gauche avaient oublié de voter pour les personnes dont ils avaient reçu procuration. Pas génial. Passons. Mercredi matin, toujours en commission des lois, nous nous sommes retrouvés enfermés quatre heures durant pour examiner presque 300 amendements, dont la majorité présentée par la droite.

Les écolos, eux, sont évidemment restés fidèles à leur vision progressiste de la société. On se souvient du mariage gay célébré par le député-maire Noël Mamère, à Bègles, en 2004. Moi-même, dès le mois d’août 2012, j’avais déposé, au nom de mon groupe, une proposition de loi sur le mariage pour tous incluant la procréation médicalement assistée (PMA) pour les couples de lesbiennes et la transcription dans les registre de l’état civil des actes de naissance des enfants nés par gestation médicalement assistée (GPA) à l’étranger, une proposition de loi incluant également l’ouverture de l’adoption aux pacsés et concubins.

Sûrement une loi trop audacieuse. Elle a eu le mérite de hâter la préparation du projet de loi gouvernemental et son examen, bien plus tôt que prévu, à l’Assemblée nationale, et maintenant au Sénat. Au vu des divisions que cette initiative a suscitées au sein d’une France encore largement conservatrice, je me demande s’il n’aurait pas fallu traîner moins encore. Le temps a joué contre la majorité présidentielle et aujourd’hui la droite, y compris la plus radicale, instrumentalise plus que jamais les réticences d’une partie de la population. Une loi conçue pour mettre fin à une discrimination crée paradoxalement une nouvelle fracture. Celle-ci était patente au Sénat, ce jeudi, à 16h.

La presse occupait la Salle des conférences. Les sénateurs circulaient devant les caméras, dans l’espoir de se faire interwiever. La chance ne souriait pas à tous. Ainsi va la vie au Sénat, parfois injuste. Les uns sont plus bankable que les autres, allez savoir pourquoi. Régnait tout de même une certaine excitation, celle des grands jours. Dès les premières minutes de la discussion générale, on s’apostrophait d’un bout à l’autre de l’hémicycle. A l’extérieur du Palais du Luxembourg, les anti-mariages-pour-tous manifestaient avec « ferveur » (heureusement, il y avait aussi le collectif Ouiouioui pour nous soutenir). Depuis des semaines, nous recevons des dizaines de lettres par jour, d’insultes, de menaces, de rappel aux commandements divins. Belle démocratie !

Toutefois, au-delà du brouhaha de poulailler des bancs de la droite, on percevait pas mal de gaîté du côté de la gauche. Il faut dire que l’affaire Cahuzac aidant, si je puis dire, on n’a pas beaucoup de raisons de se réjouir ces temps-ci… On n’allait pas se laisser gâcher ce plaisir ! Pour une fois, dans les travées, à la tribune, on a parlé d’amour, de sexe, de gays, de lesbiennes, et de mariage ! Et nos deux ministres, avec leurs vestes colorées, leurs paroles de femmes ont tout de suite bouleversé l’ambiance un peu tristounette de cet hémicycle où Colbert, Portalis, Malesherbes, Saint-Louis et quelques autres nous observent de haut, de leur regard figé de pierre.

Dehors, les manifestants, moins résistants que des sénateurs (c’est dire), se sont épuisés et paraissent être rentrés chez eux. A l’intérieur, les interventions s’égrènent. Parfois terriblement bisounours, éloges compassés de papa-maman-enfant. D’autres carrément techniques. Les paroles intelligentes et les autres, un peu répétitives sur la fin, nous ont amenés jusqu’à une heure du matin bien sonnée. Heureusement, à la pause, il y a eu le buffet offert par le ministre Vidalies qui a réchauffé le cœur des sénateurs de la majorité invités. Une coupe de champagne, ça fait toujours du bien, même si ça n’inspire pas forcément des propos sensés.

Ce vendredi, rendez-vous à 9h30, en Commission des Lois. A 10 h, reprise de la séance. Je vous raconterai la suite au prochain numéro. La séance est levée. Je rentre.

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