Affaire Lambert : mais que fait la Cour européenne des droits de l’homme ? (Marianne, 21 octobre 2014)

par François et Marie-Geneviève Lambert,

 

« La Grande chambre de la Cour européenne des droits de l’homme est amenée à se prononcer sur le cas de Vincent Lambert. Hélas, regrettent François et Marie-Geneviève Lambert, son neveu et sa demi-sœur, personne ne sait exactement quand son dossier sera traité. « En l’absence de clarification des délais, la France doit s’engager, écrivent-ils accompagnés de près de soixante cosignataires politiques et médecins, à autoriser le CHU de Reims à arrêter les traitements de Vincent au 1er janvier 2015 ».

Vincent Lambert, patient en état d’éveil sans réponse hospitalisé au CHU de Reims, est artificiellement maintenu « emmuré dans sa nuit de solitude » alors qu’il ne fait aucun doute qu’il n’aurait pas voulu vivre dans ces conditions. Ce constat, fait par le Conseil d’État, marquait la fin de la procédure française de « l’affaire Lambert », qui a duré cinq mois. Aucune décision d’arrêt de traitements n’avait obtenu plus de garanties. Garanties qui malheureusement à force, se suivent et se ressemblent.

Le 24 juin, la décision du Conseil d’État d’autoriser l’arrêt des traitements a été suspendue par la Cour européenne des droits de l’homme. Cette mesure provisoire, nécessaire pour que la Cour puisse statuer, constitue par elle-même une violation de la Convention européenne. Non pas parce que nous l’avons décidé, mais bien parce que le droit dont un être humain peut se prémunir pour refuser un traitement qui, selon ses propres dires, le rend indigne, est défendu à la fois par la CEDH et par la France. Ce droit a été accordé à Vincent Lambert au niveau français, il se trouve maintenant bloqué par la Cour. C’est la première fois qu’elle s’engage sur cette voie, sans aucun calendrier, alors qu’elle condamne régulièrement des États pour la lenteur de leur système judiciaire et l’incertitude de leurs délais.

Dans le domaine de la fin de vie, d’autres pays ont des lois beaucoup plus libérales que la notre. Et la Cour a pu donner l’impression dans des arrêts les concernant que même ces lois-là ne l’étaient pas suffisamment. Il est donc impensable que la CEDH condamne la France pour violation de la Convention dans l’affaire Vincent Lambert. En revanche, elle se servira de cette affaire pour préciser la notion d’acharnement thérapeutique et encourager au consensus, tout comme le Conseil d’État avait pu s’en servir pour préciser la loi Léonetti. C’est utile pour cette cause, ça l’est beaucoup moins pour Vincent Lambert, qui attend.

Dans cette logique, nous avons appris le 7 octobre que la Grande Chambre de la Cour (17 juges) avait été saisie. L’étude du dossier est donc reprise depuis le début. Trois mois et demi ont été nécessaires pour constater que la question soulevée était trop importante pour qu’elle soit traitée par la cinquième section (7 juges). C’est une étape importante. Les arrêts rendus par les sections peuvent exceptionnellement être contestés devant la Grande Chambre, alors qu’un arrêt rendu par la Grande Chambre est définitif.

Mais la Cour manquant cruellement de moyens, la Grande Chambre est saturée. Son planning est bouclé jusqu’en avril 2015 et les audiences y sont régulièrement renvoyées. Sans compter qu’il faut ensuite plusieurs semaines pour rédiger et traduire les arrêts. Il se dit en « off » que la date du 7 janvier a été retenue. Cela constituerait une accélération bienvenue, puisque la Grande Chambre, au fonctionnement plus lourd que celui des sections, se donnerait trois mois pour statuer. Mais la Cour ne le confirme pas.

Nous nous devons donc d’être fermes : la France doit s’engager à autoriser le CHU de Reims à arrêter les traitements de Vincent Lambert au 1er janvier 2015, en l’absence de clarification des délais. La Cour, si elle veut statuer sur cet enjeu majeur et qu’elle ne s’est toujours pas imposée de délai strict à cette date, statuera quand elle le voudra ensuite. Seulement, ce ne sera plus au détriment de Vincent Lambert.

>>> Premiers signataires :
François Lambert, neveu de Vincent Lambert.
Marie-Geneviève Lambert, demi-sœur de Vincent Lambert.

>>> Cosignataires :
Bernadette Laclais, députée PS de la Savoie.
Isabelle Attard, députée Nouvelle Donne du Calvados.
Jacques Valax, député PS du Tarn.
Bernadette Bourzai, ex-sénatrice PS de la Corrèze et membre suppléante de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
Sandrine Rousseau, vice-présidente du Conseil régional Nord-Pas-de-Calais, porte parole d’EELV.
Catherine Troallic, députée PS de Seine-Maritime, membre de la commission des Affaires économiques, conseillère régionale de Haute-Normandie.
Marie-Odile Bouillé, sage-femme, députée PS de Loire-Atlantique.
Jacques Chiron, sénateur PS de l’Isère.
Jean Glavany, député PS des Hautes-Pyrénées, ancien ministre de l’Agriculture et de la Pêche.
Philippe Duron, député PS du Calvados.
Yves Marquer, assistant parlementaire de Philippe Duron.
Marie-Christine Blandin, sénatrice EELV du Nord.
Philippe Cordery, député PS des Français de l’étranger.
Joël Giraud, député PRG des Hautes-Alpes.
Marie-Line Reynaud, députée PS de la Charente.
Jean Lassalle, député centriste des Pyrénées-Atlantiques.
Claudine Lepage, sénatrice PS des Français de l’étranger.
Alain Tourret, député PRG du Calvados.
Jean-Louis Touraine, député PS du Rhône.
Bernard Roman, député PS du Nord.
Hervé Pellois, député DG du Morbihan.
Annie David, sénatrice PCF de l’Isère, présidente de la commission des Affaires sociales.
Bérengère Poletti, sage-femme, députée UMP des Ardennes.
Chantal Guittet, députée PS du Finistère.
Daniel Cohn-Bendit, ancien député européen.
Véronique Massoneau, députée EELV de la Vienne.
Corinne Lepage, ancienne ministre de l’Environnement, présidente de CAP 21.
Alain Néri, sénateur PS du Puy-de-Dôme.
Benoît Hamon, ancien ministre de l’Éducation nationale, député PS des Yvelines.
Esther Benbassa, sénatrice EELV du Val-de-Marne.
Stéphane Saint-André, député PRG du Pas-de-Calais.
Arnaud Leroy, député PS des Français de l’étranger.
Pascal Canfin, ancien ministre délégué au Développement.
Karine Claireaux, sénatrice PS de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Odile Saugues, députée PS du Puy-de-Dôme.
François Loncle, député PS de l’Eure, vice-président de la délégation française de l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
Dominique Gillot, sénatrice PS du Val d’Oise.
Danielle Auroi, députée EELV du Puy-de-dôme, présidente de la commission des Affaires européennes, membre titulaire de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
Viviane Le Dissez, députée PS des Côtes d’Armor.
Bernard Lesterlin, député PS de l’Allier.
Nicolas Brien, suppléant de Bernard Lesterlin.
François De Rugy, député EELV de Loire-Atlantique.
Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice PS de Paris.
Barbara Pompili, députée EELV de la Somme et co-présidente du groupe écologiste.
Geneviève Gaillard, députée PS des Deux-Sèvres.
Pascal Terrasse, député PS de l’Ardèche.
Michel Rocard, ancien Premier ministre.
Hervé Féron, député PS de Meurthe-et-Moselle.
Noël Mamère, député EELV de la Gironde.
Denis Baupin, député EELV de Paris, vice-président de l’Assemblée nationale.
René Rouquet, député PS du Val-de-Marne, président de la délégation française à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et vice-Président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
Nathalie Chabanne, députée PS des Pyrénées-Atlantiques.
Jean-Noël Carpentier, député Mouvement des progressistes du Val-d’Oise

Dr Michel Cymes,  chirurgien spécialisé dans l’ORL, animateur de l’émission « Le Magazine de la santé ».
Dr Jan Bernheim, médecin oncologue, co-fondateur des soins palliatifs en Belgique et du Groupe européen de recherches sur la qualité de la vie, professeur, membre du Groupe de Recherche sur les soins en fin de la vie de la Vrije Universiteit, Bruxelles, et du Coma science group, Université de Liège.
Dr Bernard Senet, médecin généraliste, ancien médecin en soins palliatifs.
Pr François Blanchard, président de l’Association francophone des droits de l’homme âgé.
Dr Claude Grange, chef de service U.S.P/E.V.C/M.A.S, hôpital de Houdan. »

 

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