La majorité sénatoriale de droite et du centre a inséré un nouvel article au projet de loi sur le respect des principes de la République. En cas d’absence répétée d’un élève, la suspension du versement des allocations familiales pourra être décidée, après plusieurs avertissements. Le gouvernement n’a pas exprimé de position défavorable.
Le clivage gauche-droite était particulièrement marqué au Sénat ce mercredi soir. Lors des débats sur le projet de loi sur le respect des principes de la République, l’hémicycle a adopté un amendement du groupe LR permettant, en dernier recours, la suspension du versement des allocations familiales aux parents d’un élève qui persisterait à ne pas se rendre à l’école, malgré les avertissements. L’amendement, présenté par Jacky Deromedi (LR), a été adopté par 210 voix pour – la quasi-totalité des membres du groupe LR, du groupe Union centriste et du groupe des Indépendants – et 125 voix contre – les socialistes, les communistes, les écologistes, le groupe RDPI à majorité LREM, et l’essentiel des sénateurs du Rassemblement démocratique social et européen.
Les Républicains ont souligné que cette sanction n’était « pas automatique » et que leur amendement était « équilibré ». « Cette suspension de l’allocation familiale est l’aboutissement d’étapes au cours desquelles un dialogue avec la famille est intervenu […] La suppression envisagée n’est donc pas immédiate », a expliqué le rapporteur Stéphane Piednoir.
Le président du groupe socialiste « regrette » le « en même temps » du ministre Jean-Michel Blanquer
Fait à souligner, le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer n’a pas exprimé de position défavorable ou favorable, mais simplement un avis de sagesse. C’est-à-dire qu’il s’en est remis à la volonté des sénateurs, sur un sujet qu’il a qualifié « ni de droite, ni de gauche ». Il a cependant indiqué que dans le droit actuel, les autorités n’étaient « pas dépourvues d’outils pour faire pression sur les familles » pour assurer l’obligation de scolarisation.
« Je ne pense que ce soit le moment de changer le droit mais de l’appliquer », a-t-il déclaré. Le président du groupe socialiste Patrick Kanner a « regretté » l’avis de sagesse gouvernemental. « Il y a des sujets qui ne mériteraient pas du ‘en même temps’ mais un vrai clivage qui se manifeste entre la droite et la gauche », a expliqué l’ancien ministre des Sports de François Hollande.
« Le cœur du dispositif, ce n’est pas la sanction », défend Philippe Bas
Le dispositif introduit par la droite et les centristes fait écho au mécanisme du contrat de responsabilité parentale, en vigueur de 2006 à 2013. Affirmant que l’amendement de ses collègues était d’une inspiration « parfaitement humaniste », Philippe Bas (LR) a rappelé les chiffres de l’époque. Après 6280 seconds signalements adressés par les établissements scolaires aux inspections académiques, 147 demandes de suspension d’allocations ont été prononcées et 51 ont été effectives. « On constatera que ce n’était pas une machine à suspendre les allocations familiales […] Le cœur du dispositif, ce n’est pas la sanction, c’est précisément d’éviter cette sanction qui n’est prévue qu’en dernier recours », a justifié le sénateur de la Manche.
Le sénateur LR Jacques Grosperrin a estimé qu’il fallait envoyer un « signal fort » aux enfants. « Le premier respect des principes de la République, c’est d’aller à l’école de la République ». Quant à Cédric Vial (rattaché au groupe LR), il a vu dans cette disposition une façon de « faire venir à la table des familles qui, malgré les convocations, ne sont pas présentes ».
« Croyez-vous qu’on peut éduquer des parents en les punissant », s’oppose Esther Benbassa (écologiste)
La gauche était vent debout devant cette ancienne idée de la droite. « Je ne crois pas qu’il y ait des parents laxistes ou complices. Je crois que c’est tout à fait marginal », s’est opposée la sénatrice socialiste Laurence Rossignol, appelant à « aider les parents » à assumer leur rôle. « Croyez-vous qu’on peut éduquer des parents en les punissant », s’est également demandée l’écologiste Esther Benbassa. « On ne veut pas ajouter de l’exclusion à l’exclusion », s’est exclamé le socialiste Patrick Kanner.
Une différence d’appréciation sur la symbolique des allocations familiales a aussi opposé les bancs de gauche à ceux de la droite. « Les allocations familiales sont le fruit d’une politique démographique », a rappelé la sénatrice Cécile Cukierman, indiquant que cette « stigmatisation » de ces familles ne réglera pas le problème. Dominique de Legge (LR) a estimé que les allocations familiales étaient plus qu’une simple aide monétaire. « Que sont-elles, si ce n’est la reconnaissance par la nation de l’investissement éducatif que font les parents à l’endroit de leurs enfants, qui seront les adultes de demain ? »
Sur les bancs du groupe Rassemblement des démocrates progressistes et indépendants (RDPI), composé en majorité de parlementaires LREM, les arguments de la droite n’ont pas convaincu. Tout le groupe – à l’exception d’une abstention – a voté contre l’amendement. « La sanction est-elle vraiment toujours la solution ? », a réagi la sénatrice LREM Nadège Havet, ajoutant que ce n’était « pas le sujet » de ce projet de loi. La position nette du groupe acquis à la majorité présidentielle pourrait augurer d’un retrait de cette disposition dans la suite de la navette parlementaire.
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