Abrogation du racolage : après l’empoignade, le mariage de raison (Public Sénat, 26 mars 2013)

par Etienne Baldit
Le texte abrogeant le délit de racolage public ne sera pas renvoyé en commission : le PS a retiré sa motion conservatoire mardi, mais maintient un amendement pour éviter tout vide juridique. Les esprits sont apaisés, mais les désaccords subsistent sur le fond. Le débat aura lieu jeudi.

 

Cafouillage autour de l’abrogation du délit de racolage, suite et fin. Lundi, le socialiste Philippe Kaltenbach déposait une motion pour renvoyer en commission le texte de l’écologiste Esther Benbassa, qui arrive jeudi en séance. « Atterrée », la sénatrice évoquait des « complots internes ». Mardi, cette motion a finalement été retirée.

« Un acte de sagesse »

La journée d’hier s’était achevée sur un échange musclé entre les deux protagonistes sur le plateau du 19 heures de Public Sénat, sans régler le problème (voir la vidéo, à partir de 19’20). Et la position officielle du PS demeurait inconnue. Tôt ce matin, Jean-Pierre Sueur a repris la main et remis de l’ordre dans les rangs. Le président PS de la Commission des lois a téléphoné à plusieurs de ses collègues du groupe socialiste qui se réunissaient en fin de matinée pour – entre autres – décider de la position commune à adopter sur ce texte de loi. La motion de Philippe Kaltenbach, qui revenait à  enterrer le texte selon Esther Benbassa, passe donc à la trappe au profit d’un amendement réinstaurant une contravention de 5ème catégorie pour le racolage actif.

Esther Benbassa et Philippe Kaltenbach sur le plateau de Public Sénat (25/03/2013) - Public Sénat

© Public Sénat

« On ne pouvait pas se satisfaire d’une situation où on supprimait tout délit de racolage, explique Philippe Kaltenbach. Il y a bien sûr le racolage passif, qui était complètement impossible à organiser et qui n’a pas apporté les bonnes réponses. Mais il y a aussi le racolage actif, et tout supprimer n’était pas non plus une bonne solution. On a évité tout vide en revenant à la situation antérieure et en permettant à la police de mettre des contraventions lorsqu’il y a du racolage actif ». Esther Benbassa « [s’]en réjoui[t] » et salue « un acte de sagesse ».

Sur le fond, ça coince toujours

Un mariage de raison qui n’apaise pas toutes les tensions. « La façon dont les choses se sont déroulées m’a semblé très peu conviviale », maintient Esther Benbassa, pour qui la méthode employée ne passe toujours pas. « Ils ont fait fi de nous ! », s’exclame-t-elle, déplorant un manque de « convivialité sénatoriale ». « C’était une sorte de « petit coup d’état » et ils ne nous ont pas consultés. Si les socialistes n’arrivent pas à se mettre d’accord, on ne va pas punir pour ça des personnes qui n’ont rien fait et qui attendent de nous qu’on mette fin à leurs souffrances, à leur précarité et à leur vulnérabilité ». « Il faut accepter les règles du jeu parlementaire, répond Philippe Kaltenbach. Tout ça c’est de la cuisine interne, ensuite ce qui compte c’est ce qui est voté, ce qui est défendu. Tout le monde comprendra bien qu’il y a des aspects internes dans les débats, qu’il faut prendre en compte les délais, les dates de réunion, les prises de position des uns et des autres ».

Et si la forme est contestée, le fond l’est tout autant. L’amendement socialiste va dans le sens de l’abolitionnisme toujours défendu par le PS : abolir la prostitution en criminalisant les clients et les proxénètes mais pas les personnes prostituées, considérées comme victimes des réseaux mafieux et de la traite d’êtres humains. La position d’Esther Benbassa est toute autre, qui rejoint les revendications des travailleurs du sexe : la pénalisation est un échec et mieux vaut mettre en place un véritable statut qui protège les droits des personnes concernées. Mais selon l’AFP, qui cite une « source parlementaire », « le gouvernement n’est pas favorable à cet amendement et pourrait lui donner un avis négatif lors de sa discussion en séance ».

Une loi sur la prostitution pour l’automne ?

« Pourquoi se mettre dans cette position de moralisation de la société ? C’est du despotisme, affirme Esther Benbassa. On ne peut pas moraliser une société et l’Etat ne peut pas gérer la sexualité des gens. Alors essayons d’aider les personnes prostituées à s’insérer dans la société si elles le veulent ». Au contraire, le PS se refuse à pleinement dépénaliser la prostitution. « Et il faudra aller plus loin, estime Philippe Kaltenbach. Nous souhaitons également que le gouvernement s’engage sur une grande loi sur la prostitution de façon à aborder tous les aspects de la question : la réinsertion, la lutte contre le proxénétisme, la lutte contre les réseaux, la lutte contre la traite. Tous ces risques-là doivent également être traités dans un cadre plus large ».

Cette loi est toujours dans les cartons de la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, mais devrait être présentée à l’automne 2013, selon nos informations.

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