Abandonner la gauche : la stratégie (critiquée) de Yannick Jadot pour les européennes

Un positionnement ni à gauche, ni à droite, mais « centrale» … à l’occasion des européennes, Yannick Jadot et EELV engagent l’écologie française sur la voie du « pragmatisme »

Yannick Jadot a mis son gilet de sauvetage en cas de campagne mouvementée.

Leurs détracteurs diront qu’une fois encore, les écolos se tirent une balle dans le pied. Une interview au Point de Yannick Jadot, publiée vendredi, a créé une petite tempête au sein de la gauche cette semaine. Interrogé sur la question des coalitions au sein du Parlement européen, le candidat Europe Écologie Les Verts n’a pas exclu de faire alliance avec la droite (PPE), les libéraux de l’ALDE et le PSE (sociaux-démocrates). A certaines « conditions », a-t-il précisé, tout en louant la personnalité « rassembleuse » de Michel Barnier, ancien ministre de Nicolas Sarkozy.

L’intéressé a tenté de rectifier le tir mardi auprès de l’AFP, sans parvenir à éteindre l’incendie. « Yannick Jadot retourne officiellement à ses convictions libérales bien connues des adhérents d’EELV » et à « l’écologie de marché » a dénoncé Jean-Luc Mélenchon sur son blog mardi. Guillaume Balas, bras droit de Hamon à Génération.s. estime lui que « l’écologie est incompatible avec le capitalisme productiviste. Être complaisant avec les droites dans les mots, les rejoindre, n’amèneront que le pire ».

« C’est une stratégie électorale pour draguer les électeurs de Hulot »

« Les écologistes se posent en constructifs. Tout ce qu’on pourra arracher comme avancées sur le climat, contre les lobbys, on prendra. Mais nos critères font qu’il n’y aura pas d’accord avec le PPE », évacue le porte-parole du parti, Julien Bayou. « A Bruxelles, il y a des commissaires imbuvables. Et d’autres qui ne sont pas du même bord mais avec qui on peut discuter, c’est le sens des propos de Yannick sur Michel Barnier », ajoute-t-il, rappelant que les Verts ont leurs candidats à la Commission européenne.

Après l’échec de l’alliance à Benoît Hamon pour la présidentielle, Yannick Jadot a cette fois pris la tête d’une liste autonome et refusé toutes les approches d’union de la gauche. « L’écologie ce n’est pas la gauche », a-t-il d’ailleurs plaidé, disant vouloir donner à son mouvement une place « centrale ». Ces propos, ajoutés à ses doux mots pour « la libre entreprise et l’économie de marché » ont suscité la critique jusqu’en interne.

Une stratégie payante ?

« Moi je suis de gauche, je crois encore dans les principes de gauche et je pense que la base d’EELV n’est pas pour l’économie de marché. Il n’y a pas d’écologie sans justice sociale », regrette la sénatrice EELV, Esther Benbassa. « C’est une stratégie électorale, il veut draguer les déçus du macronisme, les ni-ni, les électeurs de Hulot. Mais si nous sommes ni de droite ni de gauche, allons directement chez Macron comme l’a fait monsieur [Pascal] Durand ».

« Notre programme transpire la gauche, mais nous ne voulons pas nous enfermer dans ce terme. Car la social-démocratie a abîmé le mot gauche. On a beaucoup souffert de la confusion entretenue par Hollande, qui a préparé le terrain à Emmanuel Macron », justifie Julien Bayou. « La seule question qui compte est celle de l’écologie ».

EELV vise les 15 % en mai prochain

Au coude à coude avec La France insoumise dans certains sondages, EELV vise les 15 % en mai prochain et espère rattraper Les Républicains. Un signe que « l’écologie pragmatique » est la bonne stratégie, selon des cadres du mouvement à l’AFP. Au moins pour les semaines à venir.

« Depuis plusieurs mois, je dis de manière claire que je ne suis pas d’accord avec cette stratégie d’isolement. Elle peut être bénéfique à court terme. Les écolos peuvent faire un bon score aux Européennes, mais ce sera une victoire à la Pyrrhus », estime l’ancien eurodéputé écolo, Noël Mamère. « J’ai tenté de faciliter l’union de la gauche, mais Yannick Jadot campait sur sa volonté de partir seul. C’est de l’ordre du gâchis et du suicide pour le futur ».