Malgré quelques aménagements au nom des libertés, le projet de loi a été adopté en première lecture.
Bonjour. Oui, bonjour, pourquoi ne pas commencer par là ? Si vous avez cliqué sur un article consacré à la discussion d’une énième loi antiterroriste au Sénat, vous faites sans doute partie d’une minorité masochiste passionnée par l’innovation sécuritaire, ce qui nous rapproche indéniablement et m’autorise à vous saluer au passage. Dans la nuit du 18 au 19 juillet, à l’heure où les Français normaux finissaient par trouver le sommeil après s’être arrosé les coudes pour faire retomber la température, les sénateurs ont adopté en première lecture, par 229 voix contre 106, le projet de loi « sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme » destiné à remplacer l’état d’urgence à partir du 1er novembre. Attention, ce qui figure ci-dessous est encore susceptible de changer, puisque l’Assemblée nationale (plus encline à satisfaire le gouvernement) aura le dernier mot sur ce texte. En l’état, une partie des ambitions ministérielles a été neutralisée par les sénateurs, à l’initiative du rapporteur centriste Michel Mercier. Pas de quoi bouleverser l’esprit de la loi, mais suffisant pour que celui-ci s’autoérige une statue de protecteur des libertés publiques, il n’y a pas de mal à se faire du bien.
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Les dernières mesures du texte – contrôles d’identité dans les zones frontalières, fichiers des passagers aériens et maritimes, surveillance des communications hertziennes – examinées tardivement, n’ont pas déchaîné les foules. Au passage, un amendement de la sénatrice centriste Nathalie Goulet est adopté : il vise à encadrer davantage les associations de déradicalisation, décrédibilisées par plusieurs scandales.
Michel Mercier admet que « la force du terrorisme nous a obligés à dépasser nos catégories juridiques traditionnelles », c’est-à-dire à brouiller la frontière entre police administrative et enquête judiciaire. Mais le rapporteur se veut soucieux de « rétablir l’équilibre ». Le Sénat a ainsi limité l’application des assignations et perquisitions administratives à une durée de quatre ans, jusqu’au 31 décembre 2021. Pour prolonger au-delà, il faudra évaluer leur efficacité et revoter.
« Ne vous en déplaise, monsieur le ministre, ne pas voter cette loi n’est pas avoir une responsabilité si un attentat survient. »
Ces garanties n’ont pas suffi à convaincre les sénateurs de gauche (communistes, socialistes et non-inscrits) et d’extrême droite (peu actifs). Éliane Assassi, présidente du groupe communiste, dénonce « un texte idéologique au-delà de son pragmatisme apparent », qui entérine « un état d’urgence permanent ». L’écologiste Esther Benbassa s’émeut d’une forme de chantage gouvernemental sur le dos des victimes. « Ne vous en déplaise, monsieur le ministre, ne pas voter cette loi n’est pas avoir une responsabilité si un attentat survient. » Le ministre ne l’écoute plus, il flotte en orbite autour de la planète Marche. Persuadé que grâce à sa loi, les Français pourront continuer à se rassembler dans les rues, à faire la fête, à être libres. Il cite Victor Hugo : « Tout ce qui augmente la liberté augmente la responsabilité. » C’est aussi valable pour tout ce qui la réduit.
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