« C’était une coquille vide » : une association antiradicalisation accusée d’avoir détourné de l’argent public vers la Syrie (« France Info », 30 juin 2017)

L’association Syrie Prévention Familles, qui regroupait plusieurs familles de jeunes partis faire le jihad, a reçu 90 000 euros de subventions publiques. Trois de ses membres sont aujourd’hui mis en examen, soupçonnés d’avoir envoyé de l’argent à leurs enfants en zone irako-syrienne.

« J’ai été roulée dans la farine. » En mars dernier, Valérie de Boisrolin témoignait lors du procès de Sonia Imloul, une ancienne responsable d’une cellule de déradicalisation reconnue coupable de détournements de fonds publics. A la barre, cette mère, dont la fille est partie en Syrie à seulement 16 ans, racontait, au bord des larmes : « L’association a fermé, les familles se sont retrouvées sur le trottoir. Quand vous avez déjà perdu un enfant, comment vous pouvez faire confiance une fois que vous êtes passée entre les mains de Sonia Imloul ? »

Un témoignage désormais troublant : trois mois plus tard, Valérie de Boisrolin a été interpellée dans une affaire similaire. A l’issue de sa garde à vue, elle a été mise en examen, vendredi 23 juin, pour « association de malfaiteurs terroristes, financement du terrorisme et abus de confiance en relation avec une entreprise terroriste ». Elle est soupçonnée d’avoir détourné une partie des subventions de son association Syrie Prévention Familles (SPF) pour envoyer de l’argent à sa fille.

Deux autres parents sont également mis en examen dans cette affaire. Anne et Raymond Duong, dont un fils et une fille ont rejoint la zone de combats à l’été 2014, se voient reprocher l’envoi de plusieurs milliers d’euros – 13 000, selon Le Journal du dimanche, qui a révélé l’affaire – à leurs enfants, via des mandats. Au total, 50 000 euros auraient été ponctionnés sur la trésorerie de l’association, précise l’hebdomadaire, sur les 90 000 euros de subventions allouées par les pouvoirs publics en 2015 et 2016.

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Mère esseulée ou femme attirée par la manne financière que constitue désormais la lutte contre la radicalisation ? Le profil de Valérie de Boisrolin est au cœur des investigations. La sénatrice écologiste Esther Benbassa, qui dirige une mission d’information sur les politiques de déradicalisation en France, a auditionné Valérie de Boisrolin il y a environ deux mois. Elle raconte la scène à franceinfo : « Elle essayait de faire des actions collectives au nom de l’association, mais elle ne les a pas beaucoup décrites. J’ai été étonnée. Elle est venue avec une psychanalyste-philosophe, qui n’a pas pipé mot. Elle a parlé avec beaucoup d’empathie de sa fille. J’ai eu l’impression qu’elle racontait sa propre vie. »

Les familles bientôt parties civiles ?

« Si on veut aider ses enfants, on le fait avec ses propres deniers. On ne se sert pas de l’argent de l’Etat. Si les faits sont avérés, c’est du vol manifeste »,estime de son côté Dominique Bons, qui a pendant un temps participé à l’aventure SPF. Cette affaire intervient après plusieurs scandales liés à des figures de « déradicalisation », comme la condamnation de Sonia Imloul pour avoir détourné les fonds de sa cellule de déradicalisation ou la polémique suscitée par la très contestée Dounia Bouzar, accusée de mélanger les genres.

« Nous, les familles, on trinque tout le temps, fustige une ex-membre de Syrie Prévention Familles. J’en veux beaucoup à Valérie de Boisrolin en tant que présidente, qui doit se comporter de manière éthique et ne pas discréditer les familles qui n’ont rien à voir avec ces agissements. Même si je comprends la détresse de la mère. » Dans ce dossier, de nombreuses familles de jeunes partis en Syrie, qui se sont réunies en collectif, envisagent de se constituer parties civiles.

 

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