Déplacement au CAO (Centre d’Accueil et d’Orientation) de Saint-Pierre-des-Corps (Indre-et-Loire) (7 juin 2017)

Visite au CAO (Centre d’Accueil et d’Orientation) de Saint Pierre des Corps (Indre-et-Loire)

Avec mon cabinet, je me suis rendue dans ce CAO, qui fait partie de ces lieux de mise à l’abri des réfugiés créés depuis novembre 2015 par le ministre de l’Intérieur de l’époque Bernard Cazeneuve.

Il s’agit de petites structures où les réfugiés sont hébergés provisoirement, le temps pour eux de faire le point sur leur situation administrative et d’effectuer les démarches de demande d’asile. Normalement, ils devraient y bénéficier d’un accompagnement juridique, social et d’un suivi médical.

Celui que nous avons visité, ouvert en octobre 2016, est géré par Adoma, anciennement  Sonacotra. 60 personnes y séjourneraient actuellement, des réfugiés orientés majoritairement de Calais, puis du métro Stalingrad et de la Chapelle à Paris. Les personnes prises en charge sont exclusivement des hommes, à 90% des Soudanais.

Actuellement, 6 personnes auraient obtenu une protection et seraient accompagnées sur le chemin de l’insertion pour sortir du dispositif. La majorité des pensionnaires, en raison de la complexité de leur situation – notamment liée au règlement, dit de Dublin, qui impose au premier Etat européen de passage des réfugiés d’instruire leur demande d’asile – reste au CAO, pour certains 7 mois environ, en attente d’une issue.

Accueillis avec bienveillance par le directeur, Sylvain Ollivier, qui gère, pour Adoma, 4 autres structures d’accueil dans le département, nous avons visité le CAO. Ce Centre présente indéniablement pour les réfugiés, qui ont parfois vécu des mois dans la rue, une réelle amélioration de leur condition. Mais avec 25 euros octroyés par l’Etat par jour et par personne accueillie à l’organisme gestionnaire, il est difficile de faire mieux.

Les réfugiés que nous avons rencontrés sont fatigués, usés par leur pérégrinations et la souffrance psychologique est très présente. Il y a urgence d’augmenter les moyens alloués aux CAO afin d’assurer une meilleure prise en charge psychologique et médicale. Il faudrait également augmenter dans ces structures les possibilités d’embauche. A ce jour, deux intervenantes sociales travaillent dans ce CAO (nous n’en avons rencontré qu’une seule), elles ont la charge en principe de 30 personnes chacune. L’accent devrait être mis aussi sur l’apprentissage du français, apparemment bien insuffisant aux yeux des personnes que nous avons rencontrées.

Parallèlement aux questions liées à la situation administrative des pensionnaires, la gestion du temps de l’attente devrait être mieux prise en compte et, là aussi, les moyens sensiblement augmentés. Beaucoup de ces hommes errent sans aucune occupation toute la journée; leurs incertitudes angoissantes et leurs malheurs étant leurs seules distractions. Nous n’avons pas vu un seul associatif sur place, ce qui fait penser à des relations probablement tendues entre des associations et les gestionnaires du CAO. Le siège d’Adoma à Lille n’a pas souhaité non plus que la radio « France Bleu » nous accompagne pendant cette visite. Après des négociations, le journaliste de « La Nouvelle République du Centre Ouest» a pu entrer avec nous (« Saint-Pierre-des-Corps : les migrants auraient besoin d’un vrai lieu de vie » – 8 juin 2017).

On ne peut que se demander comment un seul responsable hébergement peut gérer cinq structures à lui tout seul. Malgré sa bonne volonté, il ne peut pas faire plus.
Les pensionnaires préparent leurs repas eux-mêmes, les ingrédients étant livrés par la « Banque alimentaire », dans deux cuisines mises à leur disposition. Ils sont deux par chambre, dotée également d’une douche.
C’est l’ennui et la tristesse sur les visages qui frappent le visiteur. Et aussi le silence. Les pensionnaires parlent peu entre eux. La fatigue du jeûne de Ramadan devait y être pour quelque chose.

On vient à se demander si un pays comme le nôtre n’est pas en mesure de faire mieux pour les réfugiés surtout que nous en avons reçu bien moins que l’Allemagne. A-t-on peur qu’en leur donnant des conditions meilleures, il y ait un appel d’air pour faire venir d’autres réfugiés?
En tout cas, le jour de notre arrivée, sans lien avec notre venue, deux articles étaient parus dans la presse locale très modérément positifs pour un autre CAO de la région, celui de Tours Grandmont, géré également par Adoma (« La Rotative info » – 6 juin 2017, « La Nouvelle République du Centre Ouest » – 7 juin 2017).

Les élections et la « macronmania » actuelle ne doivent pas nous faire oublier que nous avons voté une loi pour raccourcir les délais d’instruction de la demande d’asile dont l’application laisse à désirer et que nous avons le devoir de prendre en considération leur existence et leurs attentes.

Calais se remplit de nouveau et les directives venant du ministère de l’Intérieur pour y gérer la situation sont encore plus sévères que dans un passé récent. Nous attendons mieux de ce nouveau gouvernement et du Président Macron, qui a dû s’initier,  je l’espère, aux grands principes de l’humanisme auprès du philosophe Paul Ricoeur, dont on dit qu’il a été l’assistant.

 

Retrouvez ci-dessous les images de la visite :

Esther Benbassa, sénatrice EELV du Val-de-Marne et Sylvain Ollivier, directeur hébergement Adoma, responsable des CAO de Saint-Pierre-des-Corps et Grandmont de Tours.

Vue de la façade du CAO de Saint-Pierre-des-Corps

Vue de la façade du CAO de Saint-Pierre-des-Corps

Vue des espaces intérieurs du CAO de Sain-Pierre-des-Corps

Vue d’une des cuisines collectives du CAO de Saint-Pierre-des-Corps

Vue d’une des cuisines collectives du CAO de Saint-Pierre-des-Corps

Esther Benbassa, sénatrice EELV du Val-de-Marne et Sylvain Ollivier, directeur hébergement Adoma, responsable des CAO de Saint-Pierre-des-Corps et Grandmont de Tours.

Vue d’un espace collectif du CAO de Saint-Pierre-des-Corps