IDEOGRAPHIE – L’identité juive, hier et aujourd’hui (Nonfiction.fr, 22 mai 2017)

Les réflexions sur l’identité juive sont traversées par deux grandes questions : qui est juif ? et que signifie « être juif » ? Toutes deux s’articulent pour interroger le sens de l’appartenance à une identité qui peut se rapporter, souvent de manière sélective, à une religion, un peuple, une histoire, une langue, un pays, voire un État. Retour sur une série de publications, d’entretiens, de revues qui pensent la judéité, définie comme l’ensemble des formes de « l’être juif », hier et aujourd’hui.

Signalons d’abord la parution de plusieurs ouvrages généraux qui donnent de précieuses clés de lectures : Jean-Christophe Attias propose de penser le judaïsme comme un fait culturel avant tout, tandis qu’un Dictionnaire du judaïsme français depuis 1944, sous la direction de Jean Leselbaum et Antoine Spire, offre plusieurs centaines d’entrées sans épuiser la question. […]

Un État

Impossible de parler des judaïsmes sans parler de l’État d’Israël. Le sionisme, loin d’être une évidence, a lui aussi son histoire propre qui peut se lire en parallèle de celle du bundisme né en même temps que lui à partir du « Bund », l’Union générale des travailleurs juifs de Lituanie, de Pologne et de Russie. Le bundisme, fortement affaibli par la Seconde Guerre mondiale a été amené à se redéfinir à partir de la création de l’Etat d’Israël, comme l’explique bien David Slucki. La Terre promise, à laquelle s’identifie encore aujourd’hui Israël, est d’ailleurs le fruit d’une invention entamée durant le XIXe siècle, comme le démontre Shlomo Sand dans un ouvrage capital. Elle n’a pas toujours été le cadre idéal envisagé pour la fondation d’un État juif : David Muhlman montre ainsi les nombreuses tentatives de territorialisaton des Juifs avant 1947. Saviez-vous par exemple qu’Albert Einstein aurait pu en être le premier président s’il n’avait pas refusé la proposition ? En 1948, la fondation d’Israël s’accompagne de déplacements massifs de populations palestiniennes, ce qu’on appelle la Nakbah, à l’origine du conflit israélo-palestinien qui ne cesse de rebondir, de guerres en paix avortées. Ce conflit se manifeste notamment par les violentes intifadas qui peuvent parfois s’exporter à travers le monde, notamment en France, ce qui pour Esther Benbassa pose par exemple la question de l’Etre Juif après Gaza. Ces oppositions traversent encore aujourd’hui Israël et semblent rendre le vivre-ensemble des différentes communautés extrêmement compliqué : plusieurs bandes dessinées reviennent sur cette dimension. Les chercheurs savent s’emparer de cette histoire, comme le souligne une belle Histoire du Mossad, les services secrets israéliens. […]

Une culture

Mais il serait à la fois fallacieux et réducteur de faire des Juifs d’éternelles victimes, contraints à jouer un rôle passif. Esther Benbassa récuse d’ailleurs fortement la vision « lacrymale » de l’histoire juive. L’archéologie révèle que, dès le Moyen Âge, des communautés juives sont à la fois plus nombreuses et plus durables qu’on ne l’a longtemps cru. Après leur expulsion d’Espagne en 1492, plusieurs juifs savent s’établir dans le Nouveau Monde découvert la même année.

Impossible également de ne pas convoquer les grands philosophes juifs, de Maïmonde, étudié par Pierre Bouretz à Bergson, Jankélévitch et Lévinas – trois auteurs juifs qui savent prendre leurs distances critiques vis-à-vis du judaïsme, pour élaborer une philosophie qui s’écarte de la métaphysique classique afin de réinventer une nouvelle éthique – en passant par le mouvement des Lumières juives, ce qu’on appelle la Haskalah, une période d’épanouissement scientifique et intellectuel marqué là encore par de profonds questionnements sur la place et le sens des identités juives.

Après le développement de la culture juive, à la fin du XIXe siècle et tout au long du siècle suivant, l’historien Yuri Slezkine en est venu à se demander si la XXe siècle n’a pas été Le Siècle juif.

 

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