« François Fillon ne connaît rien à l’histoire des juifs » (L’Obs, 24 novembre 2016)

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« Le candidat de la primaire a évoqué un communautarisme juif « qui ne respectait pas toutes les règles de la République ». Attention au « risque de réveiller les préjugés », met en garde Esther Benbassa. […]

Le grand rabbin de France a contacté François Fillon au téléphone pour souligner « que le communautarisme juif qui a pu exister jadis n’était en rien le fait ni le choix des citoyens de confession juive, mais la conséquence de la non-acceptation par la société française d’alors de leurs semblables », selon sa conseillère, Yaël Hirschhorn.

« François Fillon ne connaît rien à l’histoire des juifs », regrette Esther Benbassa, historienne des religions et sénatrice Europe Ecologie-les Verts… qui invite l’ex-Premier ministre à suivre son cours à la Sorbonne.

 

Jusqu’à la Révolution française, les juifs ont vécu en groupe fermé car ils n’avaient pas d’autre solution », explique Esther Benbassa. »Ce n’est pas un choix. C’est un groupe qui ne pouvait que s’auto-suffire pour survivre. »

Fous de la République

« En 1791, devenus des citoyens français, les juifs ont entamé un grand mouvement d’intégration. Ils ont envoyé leurs enfants dans les écoles de la cité », indique la chercheuse, auteure de « Histoire des Juifs de France » (Seuil, 2000). « Leur intégration a pris quasiment un siècle. Si bien que lorsque l’affaire Dreyfus éclate, en 1894, les juifs prennent majoritairement position pour la République, contre Dreyfus. Jusqu’au ‘J’accuse’ de Zola, ils ont cru que Dreyfus avait trahi la République. »

« Quand j’ai entendu François Fillon », poursuit Esther Benbassa, « j’ai tout de suite pensé au livre de Pierre Birnbaum, ‘les Fous de la République‘, qui parle de ces juifs qui ont servi la nation avec amour et fougue. De grands savants juifs, de grands hommes d’Etat, des hauts fonctionnaires juifs ont contribué au rayonnement de la France. »

« Les juifs ont voulu être des citoyens exemplaires de la République », insiste l’historienne.

« Durant la Seconde Guerre mondiale, les juifs ont été trahis par la République car il y a eu Vichy et les 73.000 juifs morts en déportation. » C’est, estime-t-elle, le seul moment où l’on peut considérer que les juifs se sont réfugiés dans une solidarité communautaire. […]

Esther Benbassa n’en déplore pas moins « une façon négligente de parler des citoyens ». « Je ne crois pas que François Fillon ait prononcé cette phrase de manière calculée, pour amasser les voix de ceux qui nourrissent des préjugés », concède-t-elle, « mais cela témoigne d’une grande méconnaissance ».

« En cette période de populisme, il existe un risque de réveiller les préjugés. Pour un futur président, c’est une gaffe qu’il aurait fallu éviter. »

 

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