« Le Défenseur des droits a dressé le 20 septembre le bilan des discriminations à l’embauche. Un chiffre retient l’attention : seuls 8% des discriminés ont bataillé pour faire reconnaître leurs droits. Si les démarches juridiques ont la réputation d’être le parcours du combattant, qu’en est-il réellement ?
8% : c’est un tout petit chiffre qui ressort de l’étude du Défenseur des droits publiée le 20 septembre. Ce tout petit chiffre représente les personnes discriminées à l’embauche qui ont entrepris de faire valoir leurs droits. Un chiffre qui n’étonne pas Michèle Fougeron, en charge des questions de racisme et de discrimination au Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP) : « Chaque année on signale le nombre extrêmement faible de personnes qui entament des poursuites judiciaires. » A ses yeux, l’explication tient dans plusieurs points : les procédures longues et coûteuses, le manque de connaissance des recours possibles, la faible application des peines et le sentiment d’inutilité. Le rapport du Défenseur des droits détaille les raisons qui ont poussé les discriminés à ne pas intenter d’actions. Outre les 51% qui pensent que cela « n’aurait rien changé », ils sont 24% à ne pas savoir quoi faire ou à estimer que les démarches sont trop compliquées. Michèle Fougeron fustige le manque de lisibilité : « C’est très simple … quand on est juriste« . Alors, comment faire ?
En réalité, et à condition d’avoir le temps de les éplucher, de maîtriser les subtilités, les démarches possibles ne sont pas si opaques qu’elles ont l’air. Il existerait même une voie royale pour faire reconnaître ses droits. En cas de discrimination à l’embauche, le Défenseur des droits préconise un cheminement précis. Tout d’abord, il faut remplir une saisine sur son le site. Le Défenseur est en mesure d’accompagner tout au long de la procédure judiciaire. Une fois la saisine effectuée et si le témoignage lui semble crédible, il dispose de larges pouvoirs d’enquête qui peut durer entre 3 et 6 mois, voire 1 an pour les dossiers complexes. Pour ce qui est de la discrimination à l’embauche, le Défenseur demande à l’employeur de prouver que son choix ne s’est pas fondé sur des motifs discriminatoires. Dès lors, il peut rassembler un panel d’observations qui peuvent être utilisées soit dans une procédure de réparation au civil soit dans une procédure au pénal.
Simple, non ? Non. En réalité, c’est là que ça se corse. La procédure en justice requiert des élements pour que soit prouvée la discrimination. […]
Le projet d’action de groupe ? « Un gag ! »
C’est la dernière option pour les personnes discriminées : les associations et sympathisants de la lutte anti-discrimination ont longuement caressé l’idée « d’actions de groupe » dans ce domaine. La loi votée en 2014 ne concerne pour le moment que la consommation. Avant la fin de l’année (elle passe au sénat en octobre), elle s’étendra à la discrimination. Louis-Georges Tin se réjouit : « On pourra regrouper des personnes discriminées et intenter des actions au nom d’un groupe contre une société« . Enthousiaste, il en fait « la loi sur la discrimination la plus importante jamais votée en France depuis celle de 2001« .
Esther Benbassa, sénatrice EELV du Val de Marne, avait déposé un projet de loi en ce sens en 2013. AMarianne, elle confie cependant sa désillusion. « L’action de groupe a été vidée de son sens, l’action de groupe telle qu’elle sera mise en place prochainement n’aura pas de grands effets« , soupire t-elle. Une analyse que partage le sociologue Jean-François Amadieu : « Ce ne sera pas fait pour obtenir des dommages et intérêts. C’est un gag ! Cela ne visera qu’à enjoindre une société à modifier sa façon de recruter. Les plaignants n’y gagneront rien et ce pour ne pas fragiliser la santé économique des entreprises« . L’auteur du récent ouvrage La société du paraître, s’insurge contre la politique de lutte contre la discrimination du gouvernement : » Concrétement depuis 2012, qu’est-ce qui a été fait ? Ils ne font rien sauf des appels à témoins et des études« .
Alors que le Cran ou Esther Benbassa prescrivent la discrimination positive (« à compétences égales, l’employeur préférera la femme ou la personne de couleur« , selon les mots de la sénatrice), le sociologue préconise le retour du CV anonyme (abrogé en 2015). […] »
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