Intervention en séance lors de la discussion générale sur les propositions de loi rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales (28 juin 2016)

Textes n° 688

Proposition de loi rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales

 

Discussion générale

Mardi 28 juin 2016, 6 minutes

Esther Benbassa, Sénatrice EE-LV

 

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre de l’Intérieur,

Monsieur le Président de la commission des lois,

Monsieur le Rapporteur,

Mes ChèrEs collègues,

 

Nous examinons aujourd’hui trois propositions de loi relatives aux modalités d’inscription sur les listes électorales, déposées par nos collègues députés Elisabeth Pochon (PS) et Jean-Luc Warsmann (LR) et adoptées en première lecture par l’Assemblée nationale le 31 mai dernier.

La PPL et les deux PPLO font suite au rapport d’information « Mieux établir les listes électorales pour revitaliser la démocratie », publié par leurs auteurs en décembre 2014, qui constatait notamment que « près de 9,5 millions d’électeurs sont mal-inscrits ou non-inscrits sur les listes électorales » et que « l’éloignement entre la date de clôture d’inscription sur les listes électorales et la date du scrutin était préjudiciable à l’implication des citoyens dans le processus électoral« 

L’enjeu est de taille puisqu’il s’agit, dans un processus transpartisan, de lutter contre l’abstention et d’encourager nos concitoyens à reprendre le chemin des urnes.

Rappelons qu’en mars 2015, au lendemain du second tour des élections départementales, le constat fut frappant, près de 50% des électeurs ne s’étaient pas déplacés. Si le second tour des élections régionales de décembre 2015 a vu le taux d’abstention abaissé à 41,59%, il n’en reste pas moins que la crise démocratique que connaît notre pays, non seulement perdure mais s’accentue.

Alors bien entendu, il est de notre devoir de législateur de réfléchir aux causes institutionnelles de l’abstention et d’y apporter des réponses concrètes.

A ce titre, les principales mesures contenues dans ce texte sont nécessaires et le groupe écologiste les votera. Ainsi, la possibilité, pour tout électeur, de s’inscrire jusqu’à trente jours avant l’élection et l’abandon de la révision annuelle des listes électorales sont de bonnes choses, l’extension des inscriptions d’office aux citoyens naturalisés également.

Nous approuvons aussi la création d’un répertoire électoral unique (REU), tenu par l’INSEE et dont chaque liste communale ou consulaire serait un extrait.

Mais nous ne pouvons pas, à quelques mois d’échéances électorales majeures pour notre pays, nous contenter de ces mesures qui, si elles sont nécessaires, sont loin d’être suffisantes.

Qui peut, sur les bancs de notre Haute Assemblée, considérer de bonne foi que, si nos concitoyens s’abstiennent dans des proportions toujours plus grandes, c’est uniquement parce qu’ils ont des difficultés à s’inscrire sur les listes électorales ?

Il est urgent de réfléchir aux causes politiques de cette abstention massive.

Ces causes sont multiples me semble-t-il et il serait plus juste de parler « des abstentions ». Il existe en effet une abstention liée au scrutin : l’élection présidentielle par exemple bénéficie toujours d’une forte participation alors que les élections européennes battent tous les records, seuls 40 à 45% des électeurs avaient fait valoir leurs voix lors des précédentes échéances de 2009 et 2014.

Comme le soulignent Cécile Braconnier et Jean-Yves Dormagen, professeurs de science politique, ne pas voter obéit également à de forts déterminismes sociaux, constants dans le temps, en premier lieu l’âge, en particulier lors des scrutins locaux. « Contrairement aux jeunes, les seniors demeurent très mobilisés. La comparaison des taux de participation par tranches d’âge établie par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) révèle des écarts d’une amplitude considérable : seuls 41,2 % des 18-24 ans se sont rendus aux urnes aux municipales de 2008, contre 80,2 % des 50-64 ans. En proportion, les seniors votent donc presque deux fois plus que les jeunes. »

La perception qu’ont les électeurs de l’offre politique est sans doute également un facteur important d’abstention. Si l’on considère que les différences entre les programmes politiques s’amenuisent de plus en plus, que l’alternance n’est plus que symbolique, pourquoi prendre la peine de se déplacer ?

Nous ne pouvons plus éluder toutes ces questions. Le mouvement Nuit Debout est venu nous rappeler que la mobilisation politique est bien vivante dans notre pays mais que nos institutions sont à bout de souffle.

La rénovation des modalités d’inscription sur les listes électorales est une mesure importante, celle des institutions de la Vème République est tout à fait urgente et nécessaire.

Je vous remercie.

Pour consulter les deux amendements déposés en séance, cliquez ici