Faut-il encore croire à la politique ? (France culture, 28 mai 2016)

« Décevante, inutile, vile, inefficace : qui n’a entendu ces commentaires désespérés, sarcastiques ou en colère de nos concitoyens pour désigner la politique ? Mère de tous les vices, on lui préfère l’entreprise ou la société civile, et ses pratiques exaspèrent autant qu’elles fascinent.

Manifestation contre loi El Khomri. Marseille, avril 2016
Manifestation contre loi El Khomri. Marseille, avril 2016Crédits : J-P Pelissier – Reuters

Inefficace, elle est jugée incapable d’endiguer le pouvoir du marché et de protéger le citoyen des dérives du système économique dans un contexte où l’Etat est de plus en plus faible. Sans pouvoir réel, elle prétendrait détenir un pouvoir qu’elle ne peut tenir en réalité, à l’heure de la mondialisation et de la construction européenne, le vrai pouvoir étant ailleurs.

Sans pouvoir réel, elle prétendrait détenir un pouvoir qu’elle ne peut tenir en réalité, à l’heure de la mondialisation et de la construction européenne, le vrai pouvoir étant ailleurs.

Décevante, elle privilégierait la stratégie sur la conviction, le buzz sur le débat d’idées, les oppositions factices et de mauvaise foi à la confrontation des visions politiques, le consensus mou là où nos concitoyens attendent des réformes parfois radicales.

Toutes ces remarques sont, si ce n’est totalement justifiées, en tous les cas largement répandues. Elles nourrissent tout à la fois un euroscepticisme de plus en plus banalisé, un populisme autoritaire que l’on voit fleurir partout en Europe, et une distance générale avec la démocratie représentative qui se caractérise par une participation électorale de plus en plus faible et une indifférence croissante à l’égard des politiques.

Pourtant, le désir d’engagement demeure fort et le goût la chose politique, toujours très marqué dans notre pays. Rejetant un système politique qu’elles jugent à bout de force, de nombreux citoyens rêvent d’un autre monde politique, et leur déception ou leur colère ne sont pas forcément synonyme d’apathie démocratique.

Rassemblement "Nuit Debout" place de la République à Paris, avril 2016
Rassemblement « Nuit Debout » place de la République à Paris, avril 2016 Crédits : Benoit Tessier – Reuters

De ce paradoxe entre un rejet de la politique et rêve d’une autre manière d’en faire, nous avons tiré plusieurs des questions que nous abordons aujourd’hui :

La politique a-t-elle encore un sens ? Est-elle condamnée à décevoir en démocratie ? Quels peuvent être ses horizons dans notre époque troublée ?

On en parle aujourd’hui avec nos invité-e-s:

Esther Benbassa, directrice d’études à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes , spécialiste de l’histoire du judaïsme moderne, et depuis 2011 sénatrice EELV du Val-de-Marne;

Marie-France Garaud, juriste, ancienne conseillère de Georges Pompidou et de Jacques Chirac, députée européenne de 1999 à 2004;

et Philippe Braud, politologue, spécialiste de sociologie politique, professeur émérite à Sciences Po.

Intervenants

  • Esther Benbassa : sénatrice EELV du Val-de-Marne, directrice d’études à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (EPHE)
  • Philippe Braud : Politologue
  • Marie-France Garaud : ancienne députée européenne, présidente de l’Institut international de géopolitique »

12:53:53 Faut-il encore croire à la politique ? Invités : Esther Benbassa, historienne, sénatrice EELV du Val-de-Marne ; Marie-France Garaud, juriste, ancienne conseillère de Georges Pompidou et de Jacques Chirac, députée européenne de 1999 à 2004 ; Philippe Braud, professeur émérite à Sciences Po. 12:55:05 Extrait d’une interview de Richard Bohringer, à propos de l’utilité du politique, le 31 mars 2013 sur France 2. 12:56:42 Marie-France Garaud : la politique, c’est la gestion d’un d’un Etat d’une collectivité humaine. Il faut que cette collectivité humaine soit sur un territoire, et que ce territoire soit constitué en Etat. 12:58:38

12:58:54 Esther Benbassa vient de la société civile, fait de la politique depuis 2011. Les maires, les adjoints au maire, les élus, sont les vrais serviteurs de la Nation. 13:01:16 Philippe Braud : le déferlement d’ hostilités envers les politiques a toujours existé. Les politiques servent à décider en dernière instance. 13:02:49

13:02:51 Marie-France Garaud : ce qu’on appelle la politique, c’est la gestion d’une collectivité humaine. La souveraineté appartient au peuple, qui l’exerce directement. 13:03:42 Nous n’avons plus de souveraineté : nous ne battons plus monnaie, c’est l’Union européenne. Nous ne décidons pas de la paix et de la guerre, c’est l’OTAN. 13:04:50 Philippe Braud : la naissance des Nations est un processus très progressif. 13:05:48 Esther Benbassa : récemment, on a vu que que l’exécutif faisait une partie de ses amendements avec la droite. Nos institutions représentatives ne représentent pas aujourd’hui vraiment le peuple, par exemple de la seconde Chambre : le Sénat. 13:07:09

13:07:10 Esther Benbassa dit être venue au Sénat pour faire passer ses convictions. La politique s’est professionnalisée, c’est un autre problème dont il faut parler. 13:10:45 Marie-France Garaud : la France est un Etat depuis Philippe Le Bel. 13:12:41.

13:12:57 Philippe Braud : la démocratie est dominée par le tempo illusion déception. 13:14:07 Esther Benbassa : il y a des périodes qui sont propices au désenchantement : les périodes de crise et le populisme. 13:15:34.

13:15:40 Marie-France Garaud : on a un problème de structure. 13:16:41 Philippe Braud : l’Etat est en pleine mutation du fait de l’interaction avec nos voisins. 13:18:00 Marie-France Garaud : on ne comprend pas ce qu’est le populisme. 13:19:32 Esther Benbassa : il y a une extrême professionnalisation de la politique et c’est un problème. 13:20:50

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