« Les sénateurs ont adopté mardi un projet de loi pour autoriser, et parfois rendre obligatoire, la transmission d’informations entre la justice et l’administration employant des personnes soupçonnées de pédophilie pour qu’elles ne se retrouvent plus en contact avec des mineurs.
Ce texte adopté à l’unanimité en première lecture à l’Assemblée nationale le 8 décembre a été voté par 187 voix pour et 24 voix contre, les communistes (CRC) et cinq RDSE (à majorité PRG). Les autres RDSE et les écologistes se sont abstenus.
Le projet de loi vise à renforcer le contrôle des antécédents judiciaires des personnes exerçant une activité soumise au contrôle des autorités publiques, en particulier des personnes exerçant des activités ou professions impliquant un contact avec des mineurs. Il organise la transmi ssion d’informations entre l’autorité judiciaire et l’administration en cas de condamnations ou de poursuites pénales.
Sur le rapport de François Zocchetto (UDI-UC), la commission des lois avait adopté des amendements visant notamment à assurer une meilleure garantie du principe de présomption d’innocence et des droits de la défense, en particulier en supprimant la possibilité, initialement prévue par le projet de loi, pour le procureur de la République d’informer l’administration dès le stade de la garde à vue ou de l’audition libre.
Elle a aussi rendu automatique, pour les personnes condamnées pour infraction sexuelle contre mineur, la peine complémentaire d’interdiction d’exercice d’une activité impliquant un contact habituel avec les mineurs. Elle reprenait ainsi une disposition d’une proposition de loi de Catherine Troendlé (LR) adoptée au Sénat le 20 octobre 2015.
« Si l’employeur est informé d’une interpellation, la présomption d’innocence sera proportionnelle au retentissement donné à la mise en cause de l’intéressé », a estimé Cécile Cukierman (CRC). « Pour protéger les mineurs, mieux vaut s’affranchir de l’émotion et de la pression médiatique », a-t-elle ajouté.
« Pourquoi considère-t-on qu’il est bon de surenchérir sur les chaînes d’information continue? », a demandé Jacques Mézard en qualifiant le texte de « pas acceptable ». « N’ouvrons pas une brèche dans le respect de la présomption d’innocence ».
« S’il est urgent que certaines dispositions entrent en vigueur, la défense des droits fondamentaux doit rester notre guide en ces temps troublés », a fait valoir de son côté Esther Benbassa (Écologiste). « Il convient de savoir si ce projet de loi atteint le délicat équilibre entre protection des mineurs et respect de la présomption d’innocence ».
Pour sa part, la ministre de l’éducation Najat Vallaud-Belkacem a estimé au début du débat que le texte issu de l’Assemblée « équilibré entre impératif de protection des mineurs et exigence de respect de la présomption d’innocence ».
Ce projet de loi fait notamment suite à l’affaire de Villefontaine (Isère), où un instituteur a été mis en examen pour le viol de onze enfants et est soupçonné de plusieurs dizaines d’agressions. Il avait été condamné en 2008 à de la prison avec sursis pour avoir téléchargé des images pornographiques mais cette condamnation n’avait pas été communiquée à l’Éducation nationale, qui avait donc continué à l’employer. »