PJL n° 294:
Relatif à l’information de l’administration par l’institution judiciaire et à la protection des mineurs
(Procédure accélérée)
– Discussion générale –
Mardi 26 janvier 2016
Esther Benbassa, Sénatrice EE-LV
Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Monsieur le Président de la commission des lois,
Monsieur le rapporteur,
Mes ChèrEs collègues,
L’objectif du PJL que nous examinons aujourd’hui est clair, il s’agit de renforcer le contrôle des antécédents judiciaires des personnes exerçant des activités ou professions impliquant un contact habituel avec des mineurs en encadrant juridiquement la transmission d’informations entre les autorités judiciaires et administratives. Sont alors concernés les enseignants, les agents des trois fonctions publiques, les contractuels employés par la fonction publique, mais aussi les professionnels ou bénévoles relevant d’une personne morale de droit privée chargée d’une mission de service public.
Cet encadrement juridique est tout à fait légitime et bienvenu, les pratiques d’information ne reposant jusqu’alors que sur des circulaires ministérielles dont la validité juridique au regard des dispositions de l’article 34 de la Constitution pouvait être sujette à caution.
L’enjeu est également fondamental puisqu’il s’agit de la protection de nos enfants qui ne doivent plus être les victimes de dysfonctionnements dans le circuit de transmission des informations entre les juridictions et les administrations chargées de les accueillir.
Nous avons tous en mémoire les sordides affaires de Villefontaine et d’Orgères et souhaitons, sur tous les bancs de cet hémicycle, que de tels évènements ne puissent plus jamais se reproduire.
La nécessité de légiférer en la matière fait également consensus au sein du Parlement puisque nous avons déjà évoqué cette question à plusieurs reprises au cours des derniers mois. D’abord, lors de l’examen des amendements proposés par le gouvernement au PJL portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne l’été dernier. Dispositions finalement invalidées par le Conseil constitutionnel. Et plus récemment lors de l’examen, par le Sénat, de la proposition de loi de notre collègue Catherine Troendlé visant à rendre effective l’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact avec des mineurs lorsqu’une personne a été condamnée pour des agressions sexuelles sur mineur.
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui est donc, à tous égards, nécessaire et il est urgent que certaines des dispositions qu’il contient entrent en vigueur.
Toutefois, il est capital, en matière de protection des mineurs comme en matière de lutte contre le terrorisme d’ailleurs, de toujours garder en tête que la défense des droits fondamentaux doit être notre seul guide en ces temps troublés.
Et finalement, la question qui se pose à nous aujourd’hui est celle de savoir si ce projet de loi atteint le délicat équilibre entre l’impératif de protection des mineurs et l’indispensable respect du principe constitutionnel de présomption d’innocence.
Au texte issu des travaux de l’Assemblée Nationale, la réponse était positive, particulièrement après la suppression par notre commission des lois de la possibilité d’informer l’administration en cas de garde à vue ou de simple audition libre.
Cette disposition nous semblait tout à fait excessive et contraire à la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de présomption d’innocence.
Mais la commission des lois ne s’est pas contentée de ce texte relativement équilibré et a souhaité introduire deux dispositions supplémentaires, issues de la PPL de Mme Troendlé.
Ces dispositions mettent en place, d’une part l’automaticité de la peine complémentaire d’interdiction d’exercice d’une activité impliquant un contact habituel avec les mineurs pour les personnes condamnées pour infraction sexuelle contre mineur; et d’autre part, l’automaticité du placement sous contrôle judiciaire, assorti de l’interdiction d’exercice d’une activité au contact de mineurs en cas de mise en examen pour une ou plusieurs infractions entrant dans le champ du régime obligatoire d’information.
Nous considérons, au groupe écologiste, que ces dispositions constituent une certaine défiance à l’endroit des magistrats et qu’elles sont contraires au principe de l’individualisation de la peine.
Nous ne pouvons donc les accepter et avons déposé des amendements de suppression.
Finalement, et malgré un texte globalement positif, le vote du groupe écologiste dépendra du sort réservé à ces amendements.
Je vous remercie.