Intervention en séance lors de la discussion générale sur la proposition de loi visant à pénaliser l’acceptation par un parti politique d’un financement par une personne morale (5 novembre 2015)

PPL n° 118 :

visant à pénaliser l’acceptation par un parti politique d’un financement par une personne morale

 

Discussion générale

Jeudi 5 novembre 2015, 6 minutes

Esther Benbassa, Sénatrice EE-LV

Monsieur le Président,

Madame la Ministre,

Monsieur le rapporteur,

Monsieur le Président de la Commission,

Monsieur l’auteur de la proposition de loi,

 

« L’essentiel a déjà été dit sur ce texte. Je ne vais pas me lancer dans des répétitions. J’ajouterai simplement que cette proposition de loi a le mérite de nous interroger.

Nous interroger sur notre propre pratique de législateur. La malfaçon législative que nous nous employons à corriger aujourd’hui n’a été décelée par aucun d’entre nous, aucun de nos collaboratrices et collaborateurs, aucune administratrice ni administrateur, ni par nos collègues de l’Assemblée nationale, ni par le Gouvernement, ni par les cabinets et services ministériels, le Conseil constitutionnel ne l’a pas relevée non plus, ni la presse…

 

Ceci force l’humilité dans notre façon de faire la loi, mais interroge aussi toute la procédure parlementaire. On peut espérer qu’une seconde lecture de la loi relative à la transparence aurait pu nous éviter une telle maladresse.

 

Cette PPL nous interroge aussi sur notre façon de faire de la politique. Chacun sait ici comment fonctionne le financement public des partis politiques. Et que le financement issu de personnes morales, nationales ou étrangères, est proscrit. Le premier a avoir décelé cette faille juridique était, citons-le, car on ne peut que louer son habilité, Monsieur Wallerand de Saint Just, trésorier du Front national. Ce dernier l’a fait lors de son audition par les juges d’instruction Renaud Van Ruymbeke et Aude Buresi dans le cadre des enquêtes sur le financement illicite de ce qui se prétend le premier parti de France. Parti qui donc connaît l’interdiction, mais qui, en l’absence de sanction, estime normal de l’enfreindre. Tout un programme…

 

Mais cette affaire de financement n’est pas la seule à défrayer la chronique.

Bygmalion ou l’affaire libyenne chez nos collègues Républicains, ou des prêts russes à des taux ridiculement bas chez le FN – encore eux – sans compter diverses affaires d’emprunts jamais remboursés… la liste est trop longue, et nombre de formations sont concernées.

 

Tout cela plaide pour une réforme d’ampleur du financement de la vie politique, pas seulement la correction d’une seule faille législative. D’ailleurs, les sanctions pour financement d’un parti par une personne morale sont extrêmement rares, les affaires relevant souvent d’autres incriminations comme l’abus de bien social par exemple…

 

Le député Romain Colas a récemment remis un rapport sur l’évaluation de la pertinence des dispositions législatives et réglementaires  relatives au financement des campagnes électorales et des partis politiques. Il envisage de déposer une proposition de loi à partir de ses propositions. Le chantier est de taille.

 

Les écologistes soutiennent toutes les initiatives allant dans ce sens.

En 2011, les députés écologistes avaient déposé une proposition de loi sur ce sujet. Elle proposait, entre autres : la limitation des dons des particuliers aux partis politiques, la transparence de la réserve parlementaire, la mise en place de déclarations d’intérêt et de patrimoines… Le texte avait été rejeté par la majorité UMP.

En 2013,  c’est encore François de Rugy qui faisait adopter l’encadrement des conditions d’affiliation d’un membre du Parlement à un parti ou groupement politique pour le calcul de l’aide publique versée aux formations politiques ainsi que le plafonnement des dons à 7500€ non plus par parti politique mais par donateur.

 

Nous pouvons aller plus loin, par exemple en renforçant les moyens  d’investigation et de contrôle de la  Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, en se penchant davantage sur la transparence au sein des partis en ce qui concerne les comptes, les adhésions, les flux financiers entre partis, les prêts…

 

La défiance des citoyens, les accusations de « tous pourris » doivent nous interpeller. La transparence est une manière d’y répondre.

 

Je vous réaffirme donc l’engagement des écologistes pour une transparence accrue de la vie politique et nous voterons cette proposition de loi, en appelant de nos vœux un texte ambitieux sur ce sujet. »