« Les révélations sur l’espionnage de hauts responsables français interviennent au moment du vote définitif du très critiqué projet de loi renseignement. Ce «Patriot Act» à la française offre à nos services le même type de pouvoirs que leurs homologues américains.
Le symbole fait très mal. La révélation par WikiLeaks et Mediapart d’une mise sur écoute illégale et systématique des principaux responsables français par la NSA intervient alors que ce même pouvoir français s’apprête à mettre en œuvre une extension sans précédent des pouvoirs de ses services de renseignement. Malgré l’opposition de la quasi-totalité de la société civile, les députés doivent en effet adopter définitivement le projet de loi renseignement ce mercredi 24 juin, au terme d’une procédure d’urgence imposée par le gouvernement et visant à faire taire toutes les oppositions. Ce texte est construit comme un « Patriot Act » à la française, tant il légalise et systématise une série de pratiques déployées depuis des années par les agences américaines.
Pour ajouter à l’ironie de la situation, la publication de ces rapports d’écoute rédigés par la NSA intervient alors même que le Congrès américain vient de voter le « USA Freedom Act ». Il s’agit du premier texte qui revient sur les mesures d’exception votées après le 11-Septembre en limitant la captation de données téléphoniques sur le sol américain.
Suivant le chemin inverse, la France, elle, n’a eu de cesse ces dernières années de renforcer son arsenal sécuritaire, rognant à chaque fois un peu plus sur les libertés individuelles. En décembre 2013, le Parlement adoptait la loi de programmation militaire (LPM), un texte pérennisant la loi antiterroriste votée en 2006 sous Nicolas Sarkozy et étendant les pouvoirs des services en matière de collecte de données sur Internet. Dès cette époque, les défenseurs des libertés numériques dénoncent la mise en place d’un « PRISM français », voire d’une « dictature numérique ».
Moins d’un an plus tard, alors que la LPM n’est même pas encore entièrement entrée en vigueur, le gouvernement donnait un nouveau tour de vis aux libertés sur Internet avec sa loi antiterroriste. Celle-ci a introduit dans le code pénal le délit « d’apologie du terrorisme » qui devient également un nouveau cas de blocage administratif, c’est-à-dire sans contrôle du juge judiciaire, de sites internet. Le texte sanctionne également« l’entreprise terroriste individuelle » qui se caractérise, notamment, par la fréquentation de certains sites. Et il étend enfin les pouvoirs de police dans la lutte contre le terrorisme en facilitant la saisie de données et de documents stockée dans lecloud ou encore le déchiffrement de données chiffrées. Cette fois encore, passant outre les protestations de la quasi-totalité des associations, la loi antiterroriste avait été votée à la quasi-unanimité.
Le projet de loi renseignement, qui doit être définitivement adopté par les députés mercredi 24 juin (les sénateurs l’ont adopté mardi 23), a, lui, été à peine plus discuté même si la majorité a dû faire face à une levée de boucliers sans précédent. « Comment peut-on encore adopter des lois rappelant celles de George W. Bush, qui plus est après les scandales que nous avons connus et les révélations d’Edward Snowden ? Qu’avons-nous fait pour mériter ce traitement antidémocratique ? » s’interrogeait mardi la sénatrice EELV Esther Benbassa, qui a voté contre le texte.
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