‘Vers la reconnaissance de l’Etat palestinien par la France?’ (L’Express, 30 octobre 2014)

Par Marie Le Douaran et Matthieu Deprieck

Alors que la Suède est devenue ce jeudi le premier membre de l’Union européenne à reconnaître officiellement l’Etat palestinien, des parlementaires écolos ont présenté dans le même temps un texte invitant la France à faire de même. Les initiatives sur le sujet se multiplient ces dernières semaines.

Au tour des sénateurs écologistes de tenter leur chance. Ce jeudi, Esther Benbassa, élue EELV du Val-de-Marne, a présenté un projet de résolution pour accélérer la reconnaissance de l’Etat palestinien par la France. Si celle-ci venait à être acceptée, le Sénat exprimerait alors « le souhait que la France reconnaisse sans délai l’Etat palestinien souverain et démocratique sur la base des lignes de 1967, avec Jérusalem comme capitale des deux Etats ». Une révolution.

Encore faut-il que ce texte soit examiné par les sénateurs. Car, rien pour l’instant n’est inscrit à l’ordre du jour. Esther Benbassa et les neuf parlementaires du groupe écolo savent que le plus difficile commence: convaincre leurs collègues de la nécessité de tenir un tel débat dans l’hémicycle.

 Un sujet sensible

Les écolos disposent toutefois d’une arme fatale: « l’espace réservé aux groupes », soit une journée octroyée à toutes les formations politiques représentées au palais du Luxembourg. La prochaine pour EELV se tient le 19 novembre. Trop juste pour permettre d’y inscrire le projet de résolution. Esther Benbassa vise donc la prochaine entre mi-janvier et mi-février. « Les choses se font petit pas par petit pas », reconnaît-elle. Le sujet est sensible. Les socialistes ne s’engageront pas sans le feu vert du Quai d’Orsay. L’élue a par ailleurs sollicité un rendez-vous auprès de Jean-Pierre Raffarin, le nouveau président UMP de la commission des Affaires étrangères.

Mais, il faudra passer outre le lobbying israélien. Le service politique de l’ambassade a envoyé à tous les sénateurs un mail mercredi. Celui-ci rappelle la position officielle d’Israël (« le seul moyen de progresser en faveur d’une résolution du conflit reste une négociation directe des deux parties »), une déclaration du Quai d’Orsay (« la priorité, c’est la reprise du processus de paix ») et la position de l’ancien président du gouvernement espagnol José Maria Aznar (« cela fera uniquement échouer toute possibilité qu’un tel Etat puisse exister dans le futur »). Contactée par L’Express, l’ambassade israélienne à Paris n’a pas donné suite.

Vents favorables

Israël a de quoi être sur les dents tant les vents semblent aujourd’hui favorables à une reconnaissance de l’Etat palestinien. Les initiatives se multiplient: le 15 octobre, trois députés PS ont déposé un projet de résolution similaire à celui des sénateurs EELV; lundi, les députés communistes ont demandé à Claude Bartolone d’inscrire le débat à l’ordre du jour et leurs collègues du Sénat y sont allés de leur texte.

En France, les lignes ont commencé à bouger en août. Lors de la conférence des ambassadeurs, Laurent Fabius lâche qu' »il faudra bien, à un moment, reconnaître l’Etat palestinien ». Un premier « fléchissement » de la position française observé d’un bon oeil par Taoufiq Tahani, président de l’association France Palestine Solidarité. Autre signal positif, l’annonce par le Quai d’Orsay, le 12 octobre, de la tenue d’un séminaire intergouvernemental franco-palestinien en France, prévu début 2015: « Le mot ‘intergouvernemental’ montre que la Palestine est considérée comme un Etat. Ce sont ces signes qui jalonnent la voie vers une reconnaissance officielle », juge Taoufiq Tahani.

Des mots, et une question de « timing » pour Safwat Ibraghith, premier conseiller de la Mission Palestine en France, qui tient office d’ambassade à Paris. Il est « persuadé » qu’une décision française sur le sujet va arriver rapidement. A l’instar de France Palestine Solidarité, qui se propose d’épauler et d’informer les politiques qui le souhaitent sur le sujet, il évoque des efforts diplomatiques, mais pas de pressions: « Nous connaissons la plupart des élus, l’ambassadeur s’est rendu plusieurs fois à la commission des Affaires étrangères, nous avons un groupe d’amitié au Sénat et à l’Assemblée… mais on ne peut pas prétendre avoir dicté cette démarche. Il suffit de regarder ce qui se passe ailleurs pour sentir que ça bouge. » Ce jeudi, la Suède est devenue le premier membre de l’Union européenne à reconnaître officiellement l’Etat palestinien.

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