Née à Istanbul dans une famille descendante des Juifs expulsés d’Espagne en 1492, installés dans les Balkans et toujours hispanophones, Esther Benbassa a émigré en Israël à l’âge de quinze ans et est arrivée en France en 1972. « Trinationale », elle a été naturalisée française en 1974. Elève d’écoles congréganistes (Sainte-Pulchérie à Istanbul et Saint-Joseph à Jaffa), elle a fait son cursus d’études supérieures d’abord en Israël puis en France.
Universitaire et intellectuelle française, spécialiste de l’histoire du peuple juif et de l’histoire comparée des minorités, après avoir été directrice de recherche au CNRS, Esther Benbassa est, depuis 2000, directrice d’études à l’École pratique des hautes études (Sorbonne).
Esther Benbassa est aussi une femme politique, sénatrice d’Europe Écologie-Les Verts du Val-de-Marne depuis le 1eroctobre 2011 (élue le 25 septembre 2011). Elle est au Sénat l’une des rares élues immigrées de la première génération, et probablement la seule à s’y exprimer avec un accent étranger, qu’elle revendique comme sa « négritude ».
Cursus universitaire
Titulaire du CAPES de lettres modernes (1975), Esther Benbassa a enseigné une quinzaine d’années dans le secondaire, d’abord en Normandie, puis en banlieue parisienne.
Bachelor of Arts de l’Université de Tel-Aviv (1972, summa cum laude), titulaire d’une maîtrise de lettres modernes de l’Université Paris VIII (Mention Très Bien, 1973) et d’un diplôme de turc de l’Institut national des langues et civilisations orientales (1982), elle est docteure de troisième cycle de l’Université Paris VIII (Sujet: La Culture et la Commune de Paris, 1871, Mention Très Bien, 1978) et docteure d’État (Sujet: Haim Nahum Efendi, dernier Grand Rabbin de l’Empire ottoman (1908-1920), son rôle politique et diplomatique, Université Paris III, Mention Très honorable, attribuée à l’unanimité, 1987).
Esther Benbassa a été postdoctoral fellow du Lady Davies Fellowship Trust et de la Yad Hanadiv / Barecha Foundation au département d’histoire du peuple juif de l’Université hébraïque de Jérusalem en 1988-1989. Directrice de recherche au CNRS de 1989 à 2000, elle a été élue en 2000 directrice d’études à la section des sciences religieuses de l’École pratique des hautes études (Sorbonne), où elle est la première titulaire femme (et laïque) de la chaire d’histoire du judaïsme moderne (chaire historique créée en 1896). Elle a fondé le Centre Alberto-Benveniste d’études sépharades et d’histoire socioculturelle des Juifs en 2002 et en assume depuis lors la direction. Elle est par ailleurs chercheur au Centre Roland-Mousnier (CNRS-Université Paris IV–École pratique des hautes études).
Esther Benbassa est régulièrement invitée à l’étranger comme chercheur (pensionnaire du Collegium Budapest en 2002, du Netherlands Institute for Advanced Study en 2004-2005), comme enseignante (ainsi, par exemple, à l’Université de New York en septembre-octobre 2008, etc.) et comme conférencière.
Recherche
Orientaliste de formation, Esther Benbassa a consacré une large part de ses travaux à l’histoire moderne et contemporaine des Juifs en terre d’Islam, spécialement dans l’Empire ottoman. Elle a également beaucoup publié sur l’histoire des Juifs de France ainsi que sur l’histoire du sionisme. Historienne des représentations et de la mémoire, elle a consacré ses recherches les plus récentes à l’histoire de la souffrance et à son rôle dans la formation des identités modernes. Elle s’est par ailleurs investie dans une histoire comparée des conditions minoritaires à l’ère contemporaine. Elle travaille actuellement sur les intellectuels juifs dans la France du XXe siècle.
Action citoyenne et politique
Comme intellectuelle publique, Esther Benbassa participe activement au débat d’idées français et publie régulièrement des tribunes dans la presse. Intervenant spécialement dans la lutte contre le racisme et les discriminations, elle est cofondatrice du « Pari(s) du Vivre-Ensemble ». En 2006, son compagnon Jean-Christophe Attias et elle ont été les lauréats du prix Françoise Seligmann contre le racisme pour l’ouvrage collectif Juifs et musulmans : Une histoire partagée, un dialogue à construire.
Le 16 novembre 2010, Esther Benbassa se déclare candidate à l’investiture d’EELV pour les élections sénatoriales de septembre 2011. Le 30 janvier 2011, le Conseil fédéral transitoire d’EELV l’investit, en position éligible, dans le Val de Marne. Elle est élue sénatrice le 25 septembre 2011 et prend ses fonctions le 1er octobre suivant. Au Sénat, elle est Vice-Présidente de la Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale, membre du Comité de déontologie parlementaire du Sénat, membre du Comité stratégique de l’Agence du service civique, Vice-Présidente du groupe d’amitié France-Turquie, Secrétaire du groupe d’amitié France-Israël, membre du groupe d’information internationale France-Territoires Palestiniens, membre de l’Union Interparlementaire, et membre du Jury du Prix de la thèse du Sénat.
Distinctions
- 2005 : Chevalier dans l’ordre national du Mérite1
- 2006 : Prix Seligmann contre le racisme, l’injustice et l’intolérance
- 2008 : Prix Guizot (médaille de bronze) de l’Académie française pour La Souffrance comme identité
- 14 juillet 2011 : Chevalier dans l’ordre national de la Légion d’honneur
Œuvres
Les ouvrages d’Esther Benbassa on été traduits en une douzaine de langues.
- Un grand rabbin sépharade en politique, 1892-1923, Paris, Presses du CNRS, 1990. Traductions américaine, hébraïque et turque.
- Une vie judéo-espagnole à l’Est : Gabriel Arié, Paris, Cerf, 1992 (avec Aron Rodrigue). Traduction américaine.
- Une diaspora sépharade en transition (Istanbul, XIXe ‑ XXe siècles), Paris, Cerf, 1993. Traduction hébraïque.
- Juifs des Balkans, Espaces judéo-ibériques, XIVe ‑ XXe siècles, Paris, La Découverte, 1993 (avec Aron Rodrigue). Réédition entièrement revue, sous le titre Histoire des Juifs sépharades. De Tolède à Salonique, Paris, Seuil, coll. « Points Histoire », 2002. Traductions allemande, américaine (2 éditions), bulgare, espagnole, hébraïque, italienne, macédonienne, portugaise, roumaine, russe et turque.
- Dictionnaire de civilisation juive, Paris, Larousse-Bordas, 1997. 2e éd., 1998 (avec Jean-Christophe Attias). Traductions portugaise, roumaine et russe.
- Israël imaginaire, Paris, Flammarion, 1998 (avec Jean-Christophe Attias). 2e éd., 2001 (sous le titre Israël, la terre et le sacré). Traductions américaine, espagnole, hongroise, russe et turque.
- Histoire des Juifs de France, Paris, Seuil, coll. « Points Histoire », 2e éd. revue et mise à jour, 2000. Traductions allemande et américaine (2 éditions).
- Les Juifs ont-ils un avenir ?, Paris, Lattès, 2001 (avec Jean-Christophe Attias). 2e éd., Paris, Hachette, coll. « Pluriel », 2002. Traductions allemande, anglaise, hongroise, italienne et espagnole.
- Le Juif et l’Autre, Gordes, Le Relié, 2001 (avec Jean-Christophe Attias). Traductions américaine, néerlandaise et roumaine.
- La République face à ses minorités. Les Juifs hier, les musulmans aujourd’hui, Paris, Mille et une nuits/Fayard, 2004.
- La Souffrance comme identité, Paris, Fayard, 2007. 2e éd., Hachette, coll. « Pluriel », 2010. Traductions américaine, espagnole et italienne.
- Petite histoire du judaïsme, Paris, Librio, 2007 (avec Jean-Christophe Attias). Traduction espagnole.
- Dictionnaire des mondes juifs, Paris, Larousse, coll. « A présent », 2008 (avec Jean-Christophe Attias, édition refondue et augmentée du Dictionnaire de civilisation juive paru chez le même éditeur en 1997 et réédité en 1998).
- Être juif après Gaza, Paris, CNRS Éditions, 2009. Traduction allemande.
- De l’impossibilité de devenir français. Nos nouvelles mythologies nationales, Paris, Les Liens qui Libèrent, 2012.
Directions d’ouvrages collectifs :
- Mémoires juives d’Espagne et du Portugal, Paris, Publisud, 1996.
- Transmission et passages en monde juif, Paris, Publisud, 1997.
- La Haine de soi, Bruxelles, Complexe, 2000 (avec Jean-Christophe Attias). Traduction roumaine.
- L’Europe et les Juifs, Genève, Labor et Fides, 2002 (avec Pierre Gisel).
- Les Sépharades en littérature. Un parcours millénaire, Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 2005.
- Juifs et musulmans. Une histoire partagée, un dialogue à construire, Paris, Éditions La Découverte, 2006 (avec Jean-Christophe Attias), prix Seligmann.
- Des cultures et des dieux. Repères pour une transmission du fait religieux, Paris, Fayard, 2007 (avec Jean-Christophe Attias).
- Dictionnaire des racismes, de l’exclusion et des discriminations, Paris, Fayard, 2007.
- Israël-Palestine. Les enjeux d’un conflit, Paris, CNRS Éditions, 2010.
- Les Sépharades. Histoire et culture du Moyen Âge à nos jours, Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 2011.
- La France en situation postcoloniale ?, numéro hors-série de la revue Mouvements, septembre 2011.
- Minorités visibles en politique, Paris, CNRS Éditions, 2011.
- Encyclopédie des religions, Paris, Fayard, coll. « Pluriel », 2012 (avec Jean-Christophe Attias, édition revue et corrigée de Des cultures et des dieux. Repères pour une transmission du fait religieux, paru chez le même éditeur en 2007).