PMA : 343 “fraudeuses” signent un manifeste pour presser le gouvernement (Les Inrocks, 06 juin 2014)

Près de 400 Françaises ont signé un manifeste dans lequel elles révèlent avoir eu recours à une PMA à l’étranger. L’objectif : rappeler le gouvernement à ses engagements de campagne et légaliser la PMA pour les couples de femmes.

Depuis ce matin, Marie et Ewenne ne savent plus où donner de la tête. Mails, coups de fil, demandes d’interview : elles essaient de répondre à tout le monde et de se montrer disponibles, même depuis la parution, vendredi 6 juin, de leur manifeste des 343 “fraudeuses” qui fait la Une de Libération. Il regroupe des signatures de près de 400 femmes qui avouent avoir eu recours à une procréation médicalement assistée (PMA) à l’étranger.

L’objectif de ce manifeste (qui fait écho à celui des “343 salopes” lancé en 1971 en faveur de la dépénalisation de l’avortement) : réclamer l’ouverture de la PMA pour les couples de femmes en France, comme s’y était engagé François Hollande pendant la campagne présidentielle de 2012. Mais aussi que la loi ouvrant l’adoption aux couples de même sexe soit appliquée partout (et de la même manière) en France.

Des adoptions bloquées par certains tribunaux

C’est ce dernier point qui a poussé les deux jeunes femmes de 28 et 32 ans à agir : “Il nous a fallu environ 3 minutes pour nous décider, pour être honnête“, nous confie Marie, “en lisant les témoignages des couples de femmes qui se voyaient refuser les adoptions de leur enfant car elles avaient fait une PMA à l’étranger.

En effet, alors que la loi qui a ouvert le mariage aux couples de même sexe impliquait également que l’un(e) des marié(e)s pouvait adopter l’enfant de son conjoint(e), le tribunal de Versailles a refusé une adoption, le 1er mai dernier. Le motif : l’enfant d’un couple de femmes avait été conçu par PMA en Belgique, ce que le TGI a considéré comme une “fraude à la loi”. Une décision imitée par d’autres tribunaux, comme à Marseille et à Aix-en-Provence, tandis que d’autres ont autorisé l’adoption sans souci. Un jugement différent en fonction des tribunaux qui a révolté Marie et Ewenne, qui font partie de l’Association des parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL).

“On s’est rendues compte qu’on était en train de vivre un double parcours des combattantes : un, quand on fait des milliers de kilomètres tous les 2 mois [pour avoir recours à une PMA], et un deuxième contre la justice de notre pays, une fois rentrées en France.”

“Ce n’est pas un débat éthique”

Avec ce manifeste, les deux femmes (plus les 400 signataires et 1000 soutiens), espèrent bien rappeler le gouvernement à ses promesses de campagne, et souligner la manière dont l’ouverture de la PMA pour les couples de femmes a été enterrée ces derniers mois (nous en avions publié en février dernier une chronologie du rétropédalage gouvernemental à ce sujet .

Ce qui leur importe c’est aussi de contrer les arguments de la “Manif Pour Tous” et sa présidente Ludivine de la Rochère, qui ont déplacé le débat sur le terrain de l’éthique, alors que de nombreux couples hétérosexuels ont chaque année recours à la PMA en France, qui est autorisée pour eux. “On nous parle de manipulation d’embryons, alors que ce n’est pas ça le débat. Ce n’est pas un débat éthique, celui-ci a déjà eu lieu dans les années 1970“, insiste Marie.

Pour l’instant, seul le parti Europe Ecologie-Les Verts (EELV) n’a pas laissé tomber cet engagement : la sénatrice Esther Benbassa (qui a soutenu le Manifeste) a déposé une proposition de loi au Sénat pour “réparer une injustice”, tandis que les députés EELV ont déposé un texte similaire à l’Assemblée nationale le 28 mai dernier. Pour l’instant, le Parlement n’a pas encore étudié ces propositions.

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