Une manifestation à Paris contre le ‘déferlement homophobe’ (Le Monde, 11 avril 2013)

Par Aurélie M’Bida.

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Manifestation à Paris contre l'homophobie, mercredi 10 avril.
Manifestation à Paris contre l’homophobie, mercredi 10 avril. | AFP/KENZO TRIBOUILLARD

Une place de l’Hôtel-de-Ville couverte de parapluies de toutes les couleurs. Mercredi 10 avril au soir, à l’initiative d’Act-up Paris et du collectif Oui oui oui, un rassemblement contre l’homophobie et pour l’égalité des droits s’est organisé pour dénoncer la recrudescence de la haine et des actes à caractère violent à l’encontre des homosexuels.

« Cela fait plusieurs mois que l’on vit dans un climat d’homophobie exacerbée, explique Laure, coresponsable de la commission prévention et égalité des droits à Act-up Paris. Avec le projet de loi sur le mariage pour tous, on déplore une accumulation de faits homophobes. » La militante frappe vigoureusement sur le manche de son drapeau noir et rose en énumérant les derniers événements déclencheurs du rassemblement de l’Hôtel de ville.

Il y a d’abord eu la dégradation de l’espace des Blancs-Manteaux, dans le 4e arrondissement de Paris, par une poignée de manifestants se réclamant du Printemps français. L’espace accueillait le week-end dernier le « Printemps des assoces LGBT« , regroupement d’associations gays et lesbiennes. Pendant la nuit, une vingtaine de militants ont recouvert d’affiches la façade et la porte vitrée.

Quelques heures plus tard, on apprenait un nouvel événement, d’une plus grande ampleur. Dans la nuit du samedi 6 au dimanche 7 avril, Wilfried de Bruijn, un Hollandais de 38 ans, était victime d’une violente agression, alors qu’il se trouvait près de la station de métro Ourcq, à Paris (19e arrondissement), avec son compagnon. Résultat : sept fractures au visage, des morceaux d’os dans le crâne, une dent de devant manquante et des points de suture aux lèvres. Wilfried se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment. Attaqué par trois ou quatre personnes qui lui sont « tombées dessus après avoir remarqué : ‘Tiens, voilà des homos' », avait-il déclaré au Monde.fr dimanche dernier. Après une nuit passée aux urgences, Wilfried de Bruijn s’est rendu au commissariat afin de porter plainte pour « agression volontaire en réunion avec caractère homophobe ».

Wilfried de Bruijn, agressé dans la nuit de samedi 6 à dimanche 7 avril dans le 19e arrondissement de Paris.

L’ATTAQUE DE TROP

Cette agression a suffi à faire sortir les associations, les élus et le simple citoyen de leur réserve. Les drapeaux d’Act-up, du collectif Oui oui oui, de SOS homophobie et des dizaines de pancartes faites maison avec des messages tels « Je ne suis pas homophobe MAIS… les pédés, c’est pas normal », flottaient dans les airs. Parmi eux, les étendards politiques (NPA) et syndicaux (CGT).

« C’est terrible que ce soit suite à une agression que nous soyons tous là, raconte Caroline, une militante du NPA venue avec ses amies de fac. En même temps, c’est une bonne chose pour la remobilisation. On a eu tendance à se relâcher depuis que la loi a été votée à l’Assemblée. » Serrés les uns avec les autres comme pour faire front face à une agression, ils sont nombreux à investir plus des trois quarts de la place de l’Hôtel-de-Ville. Scandant « Homo, hétéro, égalité des droits », ou encore « On veut pas se faire taper dans la rue », les participants de tous âges sont remontés.

Manifestation contre l'homophobie devant l'Hôtel de ville de Paris, mercredi 10 avril.

Parmi la foule, des figures se sont faites applaudir. Anne Hidalgo, l’adjointe (PS) au maire de Paris, a fait une apparition. Mais c’est Esther Benbassa (EELV) qui, avec sa veste jaune fluo et sa cocarde tricolore, a suscité le plus d’enthousiasme sur son passage. « Continuez Madame ! », entendait-on lorsque la chef de file des écologistes au Sénat sur le mariage pour tous saluait les manifestants. « On continue le combat, explique Mme Benbassa. Aujourd’hui, j’ai réussi à réintroduire la notion de ‘parent social‘ dans les discussions, demain nous irons plus loin », se réjouit-elle. Attendue de pied ferme, Frigide Barjot – qui avait annoncé sa venue au rassemblement sur Twitter – ne s’est pas présentée. « Tant mieux ! », s’exclame une militante. « On ne peut pas être contre le mariage gay et prétendre qu’on n’est pas homophobe. »

L’HOMOPHOBIE A DÉSORMAIS UN VISAGE

C’est aussi ce que pense le collectif Oui oui oui. Protestation, inquiétude, horreur, sont les trois mots qui remontent le plus du groupe agglutiné près de la rampe d’accès du bâtiment officiel. « Plus on recule devant l’homophobie, moins le mariage passera, moins la procréation médicalement assistée passera, souligne Elisabeth, membre du collectif. Il faut une opinion tranchée de nos élus. L’agression de ce week-end est très grave, on ne peut plus laisser faire. Le mariage pour tous ne peut pas être l’excuse du déferlement violent homophobe de ces dernières semaines », ponctue-t-elle.

Manifestation contre l'homophobie, mercredi 10 avril à Paris.

Une violence qui a désormais un visage, puisque Wilfried de Bruijn a décidé de poster sur Facebook un portrait de lui, le visage tuméfié par les coups. Le cliché n’a pas tardé à tourner sur les réseaux sociaux. Les réactions des particuliers, des associations et des personnalités publiques ont été vives. « Ce climat d’intolérance doit cesser, la haine de l’autre, la violence n’ont pas de place dans la démocratie », a déclaré Manuel Valls, ministre de l’intérieur, devant l’Assemblée mardi. De son côté, Bertrand Delanoë a déploré « le contexte d’homophobie latente qui s’exprime (…) en marge des débats sur le mariage pour tous », à la suite de l’agression du couple gay à Paris.

Depuis le début des discussions sur le projet de loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples homosexuels, les associations dénoncent une libération de la parole homophobe et une recrudescence d’actes violents visant les homosexuels. Ce mercredi, elles étaient rassemblées pour le signifier de manière unanime. »

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