Par Laura Maucci et la Rédaction.
« Mardi, des « Cannabis Social Clubs », qui regroupent des personnes cultivant du cannabis, vont se déclarer dans plusieurs préfectures. L’objectif : prôner la dépénalisation et l’autoproduction. Envisageable ?
400 Cannabis social clubs en France ?
« On en a marre d’être considérés comme des criminels ou des malades ». Dominique Broc, co-fondateur des Cannabis Social Clubs en France, en a assez. Assez que « le peuple de l’herbe », comme il l’appelle, soit systématiquement montré du doigt. Mardi, plusieurs groupements de fumeurs de cannabis, qui prônent la dépénalisation du cannabis et l’autoproduction, se déclareront comme des associations à but non lucratif (loi 1901). Le but ? Faire reconnaître légalement l’activité de clubs jusque ici illégaux en France alors que l’Espagne et la Belgique ont déjà franchi le pas.
Selon Dominique Broc, il existerait plus de 400 Cannabis social clubs, où les producteurs amateurs se retrouvent pour partager leurs récoltes et leurs techniques. Le 4 mars, ce dernier avait déposé en préfecture d’Indre-et-Loire les statuts de la « Fédération des Cannabis social clubs » et a reçu quelques jours plus tard le récépissé délivré par la préfecture. Malgré les menaces de dissolution, cette démarche est, selon Dominique Broc, un « acte de désobéissance civile » nécessaire.
La France et son « peuple de l’herbe »
« Il faut encadrer la consommation, estime t-il sur RTL. Nous sommes les champions d’Europe. Mais en France, on refuse. Le peuple de l’herbe est sorti du placard ». Selon l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies, la France compterait 3,9 millions de consommateurs (7 selon d’autres estimations), dont 1,2 million réguliers . Avec une consommation très précoce puisque 39% des adolescents de 15-16 admettaient, en 2011, avoir déjà fumé un joint.
Le cannabis, dont les effets sur la santé sont nombreux selon ses détracteurs. De la désociabilisation à la déscolarisation, en passant par des problèmes aux poumons, des bronchites, des problèmes de mémoire et de motivation, une aggravation des troubles psychiques comme l’anxiété et les bouffées délirantes, troubles de l’attention, difficultés à contenir ses pulsions, agressivité, diminution des performances cognitives et psychomotrices. Les griefs sont légions. Trop pour envisager une légalisation, ou tout du moins une dépénalisation ?
Peillon recadré, Vaillant veut un « groupe de travail » sur l’usage thérapeuthique
Si François Hollande, qui avait évoqué une dépénalisation pendant la campagne présidentielle de 2012 (« Est-ce qu’il faudra envoyer en prison ceux qui fument du cannabis? Personne ne peut l’imaginer ») a pour l’instant fermé la porte à un possible projet de loi, deux de ses ministres, Cécile Duflot et Vincent Peillon, se sont déjà exprimés en faveur d’une légalisation ou d’une dépénalisation du cannabis. La ministre du Logement, dans la lignée des propositions d’Europe Ecologie-Les Verts, n’avait pas surpris, au contraire du ministre de l’Education, qui avait été remis en place par Jean-Marc Ayrault après avoir proposé l’ouverture d’un débat sur le sujet.
Daniel Vaillant, ancien ministre de l’Intérieur, pourrait être l’élément déclencheur d’un changement de cap au sein de la gauche. Selon des informations de 20minutes.fr, l’ancien patron de la place Beauvau « va proposer la création d’un groupe de travail ». Vaillant, qui appelait ses collègues socialistes à « un peu de courage » à l’automne dernier, pourrait demander mardi la création d’un groupe de travail au Parti socialiste sur la question de l’usage thérapeutique du cannabis.
Le thérapeutique, une porte d’entrée à la dépénalisation que plusieurs états américains ont mis en œuvre depuis des années. Mais on en est encore loin puisque la France a récemment condamné un jeune homme souffrant de myopathie, qui affirmait fumer du cannabis par « nécessité » thérapeutique
Sujet brûlant
Le hic, pour les défenseurs du cannabis, réside dans la situation inconfortable dans laquelle se trouve actuellement le gouvernement, qui pourrait ne pas se risquer dans un nouveau sujet brûlant vis-à-vis de Français qui attendant surtout des réformes sur l’emploi. La société française, très conservatrice sur certains sujets, n’est peut-être pas encore prête. Même si le tout-repressif ne marche pas puisque le nombre de fumeurs ne cessent de croitre dans l’Hexagone.
Malgré l’interdiction, l’économie alternative qu’engendre le cannabis reste prospère. Avec un kilo aux alentours de 1000 euros pour un prix de revente très avantageux (4 et 10 euros le gramme selon la qualité), les réseaux de vente se multiplient. Un business sur lequel l’Etat, contrairement à l’alcool et aux cigarettes, ne touche rien. Et qui coûte cher puisque « la dépense publique liée à leur consommation s’élève à plus de 1 000 millions d’euros par an, dont une bonne partie directement liée à sa judiciarisation », estime Esther Benbassa, sénatrice EELV dans une tribune publiée dans sur HuffingtonPost.fr.
Un milliard de taxes dans les caisses de l’Etat ?
L’élue, qui prend notamment exemple sur les violences du temps de la prohibition aux Etats-Unis dans les années 1920, explique également que la qualité du cannabis vendu clandestinement est un danger supplémentaire pour la santé des fumeurs, qui, malades, coûteront de l’argent à la sécurité sociale. Et surtout pour la jeunesse, « la plus exposée à cette consommation sauvage qui touche les écoles et les quartiers et met les adolescents en relation directe avec les réseaux » explique la sénatrice écolo.
Pour elle, « il est possible à la fois de réglementer l’autoproduction et d’attribuer la production à des cultivateurs agréés », évitant ainsi que des groupes mafieux mettent la main sur les réseaux légaux de production, comme ce fut le cas au Pays-Bas; âus pionnier en matière de légalisation du cannabis. Autre arguement avancé : la légalisation contrôlée pourrait permettre la création de 20 000 emplois et aussi 1 milliard d’euros de taxes qui iraient alimenter les caisses de l’Etat. Pas négligeable en cette période d’austérité. »
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