Décryptage. RTL annonce ce mercredi l’abandon du projet de délivrance des récépissés lors des contrôles d’identité. «Un travail de réflexion est en cours», répond le ministère de l’Intérieur.
• L’info de RTL
D’après la radio RTL, Manuel Valls aurait abandonné l’idée de mettre en place des récépissés lors des contrôles d’identité. «Trop compliqués à mettre en place ! Les fameux récépissés de contrôle d’identité ne verront jamais le jour. Après plusieurs semaines de concertation, le ministère de l’Intérieur a finalement décidé d’abandonner cette idée», affirme ce matin la radio.
L’idée était de lutter contre la discrimination ethnique ou sociale, en permettant à ceux qui s’estimeraient trop souvent contrôlés d’en avoir la preuve, via ce récépissé.
• La réponse du ministère de l’Intérieur
Les modalités de la réforme du contrôle d’identité seront arbitrées après la remise «cet été» du rapport sur le sujet du Défenseur des Droits, Dominique Baudis, indique le ministère de l’Intérieur.
«Un travail de réflexion est encore en cours, ajoute le ministère. Nous attendons le retour du rapport du Défenseur des droits sur une remontée des expériences internationales. Ce rapport doit être rendu cet été. La position du ministère se fera après.»
• L’engagement 30 de François Hollande
L’idée de délivrer un récépissé aux personnes dont l’identité était contrôlée découlait indirectement de «l’engagement 30» pris par François Hollande pendant la campagne. Elle aurait en effet pu être un moyen de combattre le délit de faciès, contre lequel l’alors candidat s’était engagé à lutter «dans les contrôles d’identité par une procédure respectueuse des citoyens».
• Le scepticisme de Beauvau
Manuel Valls n’a jamais été très fan de l’idée. Et l’a fait savoir à plusieurs reprises, notamment le 25 juin, quand il avait déclaré que les contrôles étaient «indispensables», et que la mise en place d’un reçu le laissait sceptique : «Je ne veux pas imposer un dispositif qui, très vite, tournerait au ridicule et serait inopérant. Je ne vois pas, à ce stade, comment ça marche», avait alors affirmé le ministre de l’Intérieur devant la nouvelle promotion de commissaires.
• Le rappel à l’ordre de Matignon
Les déclarations du patron du Beauvau ont vite été «rattrapées» par Matignon. «Ce projet est toujours d’actualité, nous travaillons dessus et la concertation continue», avait assuré l’entourage de Jean-Marc Ayrault, le 25 juin.
• Les positions des syndicats de police et de magistrats
Côté policier, les réticences ont été immédiates. Jean-Claude Delage, secrétaire général d’Alliance Police nationale s’était indigné, en juin : «On stigmatise la police comme étant une police raciste. L’annonce faite par le Premier ministre jette le discrédit sur l’honnêteté morale des policiers en laissant penser qu’ils font des contrôles en dehors de la loi.» Pour Patrice Ribeiro, secrétaire général de Synergie Officiers, «cela part d’une présomption de discrimination des policiers, qui seraient coupables de pratiquer des contrôles au faciès». Chez SGP-Unité police, Yannick Danio s’était inquiété «d’un fichier de plus et des lourdeurs inutiles».
Côté magistrats, le Syndicat de la Magistrature, classé à gauche, s’était au contraire montré favorable à la mesure, par la voix de sa secrétaire générale Marie-Blanche Regnier : «L’idée n’est pas de jeter le discrédit mais de restaurer la confiance», avait-elle déclaré sur France Info.
• L’inquiétude de la Cnil autour du fichage et du traçage des individus contrôlés
La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) s’était inquiétée des possibilités de fichage, voire de traçage, des individus contrôlés. Et de réitérer son appel à la prudence ce matin, au micro de RTL : «Une même personne, à cause ou grâce au récépissé, pourrait être tracée de façon extrêmement efficace dans le temps et dans l’espace. Deuxièmement, le récépissé pourrait être utilisé à des fins d’enquête de police judiciaire, donc nous nous avons un petit peur de ça. Bref, nous avons fait part au ministre, Manuel Valls, je dirais, de l’extrême prudence si un dispositif de ce type devait être utilisé», a expliqué la présidente de la Cnil, Isabelle Falque-Pierrotin.
• Le débat au Sénat sur le contrôle au faciès, boudé par les syndicats et Beauvau
La sénatrice EE-LV Esther Benbassa a organisé hier une réunion de concertation au Sénat sur le problème du délit de faciès. Elle avait, en novembre 2011, déposé une proposition de loi sur la «lutte contre le contrôle au faciès». Le ministère de l’Intérieur et les syndicats de police y étaient attendus… mais ne sont pas venus ; le syndicat Synergie-officiers dénonçant «une mascarade médiatique dont le seul objet se résume à un procès d’intention des officiers de police».
De son côté, Mathieu Bonduelle, le président du Syndicat de la Magistrature, a proposé de revoir le cadre des contrôles, estimant qu’ils étaient «massivement faits pour trouver des sans-papiers».
• Et maintenant ?
Manuel Valls envisagerait tout de même de prendre des mesures dès la rentrée. «Les agents pourraient porter leur numéro de matricule sur leur uniforme pour pouvoir être clairement identifiés» – ce qui n’est plus le cas depuis 1985 – et «pourraient aussi porter des caméras bouton pour filmer les contrôles d’identité», indiquait ce matin RTL.