Contrôle d’identité : Valls boude la concertation
Papiers . La sénatrice Esther Benbassa réunit chercheurs, juges et policiers aujourd’hui. L’Intérieur ne sera pas là.
La sénatrice en est restée comme deux ronds de flan : vendredi, le cabinet de Manuel Valls lui a fait savoir que personne au ministère de l’Intérieur ne pourrait être présent à la réunion de concertation qu’elle organise aujourd’hui au Sénat sur la réforme du contrôle d’identité. «Ils m’ont dit qu’ils avaient trop de travail avec les préparatifs du 14 Juillet», raconte Esther Benbassa, assez dubitative sur le mot d’excuse. Depuis plusieurs semaines, voyant cette promesse du candidat Hollande prendre un mauvais chemin, la sénatrice EE-LV, avait décidé de rassembler à la Chambre haute associations, chercheurs, magistrats, policiers et ministères concernés, en premier lieu celui de l’Intérieur, pour tenter de «dialoguer sereinement» sur le sujet. L’idée était de ne pas limiter le débat à la seule question des «récépissés de contrôle» qui hérissent tant le poil policier.
Echo. «En écoutant les polémiques ces dernières semaines, j’ai eu l’impression qu’il y avait eu mauvaise compréhension de ce qu’était cette mesure. L’idée, contrairement à ce qu’ont dit certains syndicats de policiers, n’est pas de mettre en défiance la police mais, au contraire, de créer des conditions pour que la police regagne la confiance de la population.» Comme en écho prévisible à leur ministère de tutelle, les policiers bouderont en partie cette tentative de dialogue. Seuls le SGP police-FO, syndicat majoritaire des gardiens de la paix et le SICP (commissaires) ont accepté la rencontre. Alliance et Synergie, les plus farouchement opposés à cette mesure, ayant décliné l’invitation.
Esther Benbassa voit dans ces défections de très mauvais signaux politiques de la part du gouvernement. «Je sais qu’il y a des mesures urgentes à prendre dans d’autres domaines, mais celle-ci est symbolique. C’est une mesure qui ne coûte pas cher et qui donnera un signe du vivre ensemble très important. Si la gauche ne donne pas ce signe-là, quel signe donnera-t-elle du changement ?» Pour la sénatrice écologiste, le manque de motivation de l’Intérieur est d’autant plus «incompréhensible» que le Premier ministre avait lui-même réaffirmé la nécessité d’agir contre les contrôles au faciès. Elle dit aussi avoir reçu le soutien appuyé de la garde des Sceaux, Christiane Taubira, «qui comprend ces enjeux».
Projet. Pour la sénatrice, la position de la Place Beauvau et, insiste-elle, «d’une partie de la gauche conservatrice», est à mettre en parallèle avec le projet de droit de vote des étrangers aux élections locales, qui suscite des atermoiements comparables dans les rangs de la majorité. Esther Benbassa connaît bien ces deux sujets. Elle est en effet l’auteur de deux propositions de loi déposée au Sénat à l’automne : une sur la lutte contre les contrôles d’identité au faciès, l’autre pour le droit de vote des étrangers. «L orsqu’on prépare ces lois, on discute beaucoup avec les parlementaires en amont, et j’ai pu me rendre compte des réticences de certains à gauche», glisse-t-elle.
Alice Géraud