Afin de lutter contre les contrôles d’identité abusifs, le gouvernement envisage la mise en place d’un récépissé délivré par la police. Qu’il nous soit permis, au-delà de toute polémique, de formuler quelques réflexions sur ce souhait.
En premier lieu, le constat objectif en matière de contrôle d’identité est sans appel. Dans une étude effectuée en 2009 en partenariat avec des chercheurs du CNRS (Police et minorités visibles : les contrôles d’identité à Paris), il avait été pointé «l’existence de pratiques discriminatoires de la part des fonctionnaires de police. L’apparence des personnes est bien ce qui paraît déterminer le plus clairement le contrôle d’identité : celui-ci ne porte apparemment pas, comme le requiert le droit, sur ce que fait ou semble faire l’individu, mais sur ce qu’il est ou paraît être». Et d’ajouter que les personnes noires ou d’origine arabe ont jusqu’à 7,8 fois plus de risques que les autres d’être contrôlées à Paris ! Ce que disent les statistiques reflète pour le moins la réalité. Et il faudrait être d’un sacré angélisme pour soutenir le contraire. Or, un Etat de droit comme le nôtre ne saurait laisser libre cours à des pratiques discriminatoires.
En deuxième lieu, on oublie peut-être que la pratique du contrôle d’identité s’exerce dans un cadre légal prévu par l’article 78-1 et suivants du Code de procédure pénale. Elle ne peut concerner que les personnes qui ont commis une infraction ou qui se préparent à en commettre une ou encore «pour prévenir une atteinte à l’ordre public». Or, on se rend compte qu’existe un décalage complet entre la théorie et la pratique, le contrôle d’identité correspondant aujourd’hui dans les grandes villes à une pratique tout à fait banale.
N’est-il donc pas raisonnable de penser que cette obligation de récépissé pourrait contribuer à prévenir les abus ?
En troisième lieu, on omet de dire que ce système de récépissé existe déjà dans d’autres pays, dont le plus emblématique est la Grande Bretagne, le pays de l’Habeas Corpus, sans qu’il ne fasse l’objet de critiques.
En Espagne, où l’expérience du contrôle contre récépissé a été menée, les chiffres sont éloquents : en 2007, les personnes d’origine marocaine avaient 9,7 fois plus de risque d’être contrôlées que les autres ; en 2009, le chiffre était tombé à 3,4. Et nul n’a jamais établi une corrélation entre baisse des contrôles d’identité et délinquance.
Enfin, il ne faut pas oublier qu’en droit, un renforcement des garanties des citoyens est bien souvent synonyme d’accroissement de liberté. On l’a récemment vu dans la dernière loi relative à la garde à vue de 2011. Il a suffi d’un simple texte accroissant les droits des avocats pour que les gardes à vue chutent brutalement de 30 %, montrant ainsi que presque un tiers des gardes à vue étaient abusives. Gageons qu’il en serait de même pour le récépissé suite au contrôle d’identité.
Après tout, au XIXe siècle, le juriste allemand Rudolf von Jhering voyait dans la procédure la sœur jumelle de la liberté…