Intervention en séance : https://youtu.be/Zni5_VsQ6J0
Intégralité du texte prononcé :
Monsieur le Président,
Messieurs les Ministres,
Messieurs et Mesdames les Rapporteurs,
Mes Cher⸱e⸱s collègues,
L’espérance de vie en bonne santé est en France de 64 ans pour les femmes et de 62 ans pour les hommes. En repoussant l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans, est-ce donc ce message que vous envoyez : « Vous partirez quand vous ne serez plus en assez bonne santé pour travailler » ?
Avec cette réforme, vous dessinez un projet de société déshumanisant. Vous rêvez d’une société qui travaille toujours plus pour produire toujours plus. Vous êtes dans la rentabilité, la compétitivité, au lieu d’être dans la solidarité, la coopération et enfin… la vie tout simplement. Et loin de sauver la retraite par répartition, vous la fragilisez, et vous ouvrez la voie à la retraite par capitalisation.
Après tout, dites-vous, que sont deux années dans une vie ? Ce sont 730 jours de trop pour un homme ou une femme ayant attendu sa retraite comme une délivrance après des décennies de dur labeur. Bien sûr, quand on travaille par passion et par conviction, sans s’épuiser à la tâche, on ne compte pas son temps ! Voilà sans doute pourquoi nous sommes si nombreux dans cet hémicycle à avoir dépassé les 64 ans, n’est-ce pas ? Ne peut-on admettre que quand on travaille par nécessité et dans l’effort permanent, on voie la retraite comme une libération et le commencement d’une vie nouvelle ?
Encore faut-il que cette seconde vie, on puisse la mener dignement. Le 10 janvier dernier, Madame la Première Ministre disait, je cite : « une vie de travail doit garantir une retraite digne ». Et ce gouvernement de vanter une réforme revalorisant la pension des salariés au SMIC jusqu’à 1200 euros bruts s’ils ont cotisé toute leur vie. Avez-vous conscience qu’avec l’inflation actuelle, 1200 euros ne permettront jamais à quiconque de vivre, mais au mieux de survivre ? Savez-vous seulement combien pourront en bénéficier ? Monsieur le Ministre du Travail donne chaque jour des chiffres différents…
Dès lors qu’il faudra justifier d’une carrière complète, cotisée à temps plein, au SMIC, les femmes, comme toujours, seront les premières lésées. Elles représentent 80% des salariés à temps partiel et pour la plupart suspendent un temps leur carrière en raison de leurs maternités. Leur salaire est en outre en moyenne inférieur de 22 à 28 % à celui d’un homme : elles ne cotisent donc pas de la même façon. Pour certaines, atteindre le bon nombre d’annuités requis reviendrait à partir à l’âge de 67 ans… De qui se moque-t-on ?
Vous comptez sur la droite sénatoriale pour vous accorder une légitimité parlementaire. Je déplore pour ma part qu’il n’y ait pas eu de poursuite des débats ni de vote à l’Assemblée nationale. Vous en êtes en partie responsable, en ayant eu recours à l’article 47-1 de la Constitution.
Sachez en tout cas, qu’une opposition de gauche est bien présente dans nos rangs au Sénat. Moins bruyante, mais présente, oui, et prête à débattre jusqu’au bout. Les amendements de mes collègues de droite pour corriger votre texte, notamment en proposant une surcote de 5% pour les mères de famille qui auraient une carrière complète ou la création d’un « CDI sénior » visant à valoriser et favoriser leur emploi, ne suffiront pas à rendre acceptable cette réforme. Une réforme que 69% des Français rejettent sans appel selon un dernier sondage IFOP. Ces petits arrangements à la marge ne démontrent qu’une chose : droite et macronie avancent main dans la main.
Il est grand temps d’écouter la colère sociale qui gronde. Nous avons été des millions de citoyens et de citoyennes dans toute la France à manifester contre ce texte le 19 et le 31 janvier, le 7, le 11 et le 16 février. Le 7 mars ils et elles diront à nouveau NON, dans la rue à votre projet de société. Nombre d’entre nous, parlementaires, nous serons à leur coté dans la rue, et aussi au Sénat pour débattre des retraites.
Merci.
SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI