Un oui sera désormais obligatoire pour qu’une relation sexuelle ne soit pas considérée comme une agression, voire un viol. L’Espagne a introduit depuis vendredi 7 octobre la notion de consentement explicite dans la loi, inversant de fait la charge de la preuve. Dans les faits, il appartiendra aux agresseurs présumés de défendre leur innocence en prouvant que le consentement a été recueilli.
« Le consentement n’est pas une option »
Une véritable révolution dans le pays, qui pourrait survenir en France ? C’est ce que souhaitent en tout cas des collectifs féministes et qui prend forme aujourd’hui… dans les universités. Doublant son budget contre les violences sexistes et sexuelles (VSS) avec 14 millions alloués à cette lutte, le ministère de l’Enseignement supérieur lance une campagne de prévention justement axée sur le consentement. Et son message principal, « Sans oui, c’est interdit », semble tout droit inspiré de la loi espagnole, surnommée « Seul un oui est un oui ». En préambule du communiqué autour de la campagne, la ministre Sylvie Retailleau réaffirme son « engagement dans ce combat » car « le consentement n’est pas une option ».
Le gouvernement a donc décidé de mener cette campagne d’information, en partenariat avec l’association Sexe & Consentement, suite au récent rapport de l’Inspection générale sur les affaires de violences sexuelles dans les IEP. Il était justement préconisé de se pencher sur la notion de consentement en milieu éducatif, particulièrement concerné. Mais de manière plus générale, la loi comporte aujourd’hui des limites. En effet, le consentement, défini comme « le fait de donner son autorisation, son accord pour avoir un rapport sexuel », est absent de la qualification de viol ou d’agression sexuelle.
Selon le Code pénal, n’est considéré comme un viol que « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise ». En d’autres termes, la violence, la contrainte, la menace ou la surprise sont des éléments pouvant mener à un constat de non-consentement. Et ils doivent être prouvés. L’an dernier, la loi pour protéger les jeunes victimes de violences sexuelles a évolué en fixant à 15 ans l’âge en dessous duquel toute personne mineure est considérée comme non consentante à un acte sexuel.
Une proposition de loi au Sénat
Mais le gouvernement comme la majorité n’a pas prévu à ce jour d’adopter le même traitement à toutes les victimes de viol et d’agression sexuelle, mineures comme majeures. « Il ne nous a pas été remonté de souhait des acteurs concernés d’une évolution législative », répond le cabinet de Sylvie Retailleau. En juillet dernier, une sénatrice a pourtant déposé une proposition de loi en ce sens. Prenant exemple sur le cas espagnol et la récente avancée pour les mineurs, l’élue écologiste Esther Benbassa a déploré que « la loi reste silencieuse sur le consentement sexuel des adultes ». Cette dernière a donc proposé que l’expression de « consentement libre et éclairé » soit intégrée à la définition juridique du viol.
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Depuis, le texte n’a pas été examiné par le Sénat, ni inscrit à l’ordre du jour. Cependant, l’espoir est mince et Esther Benbassa en a conscience. La sénatrice craint notamment que la priorité ne soit mise sur l’examen d’une loi constitutionnalisant l’IVG. « Ça a été bien reçu mais de là à se dire que ça va passer… je n’ai pas les moyens de la défendre toute seule », argue-t-elle, renvoyant à l’absence de soutien de certaines militantes féministes. De plus, les propositions de loi ne pèsent pas bien lourd dans la balance, sans appui du gouvernement. Lors de la dernière session parlementaire, moins de la moitié des lois adoptées provenaient de propositions parlementaires d’un sénateur ou d’un député, selon le Sénat. Au total, « 19 des 54 textes adoptés » en 2020-2021.