91 parlementaires français lancent un appel mardi 22 mars pour l’adoption d’une « déclaration politique claire et ambitieuse contre l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées » en Ukraine. Le texte rappelle également qu’au-delà des armes interdites employées par l’armée russe, ce sont des armes « conventionnelles » qui sont « à l’origine de l’hécatombe de civils ».
Les événements tragiques qui se déroulent actuellement en Ukraine et les images qui nous parviennent chaque jour des attaques de la Russie sont insoutenables. Il y a quelques jours, allant toujours plus loin dans la barbarie, les Russes ont bombardé un hôpital de Marioupol, tuant 2 femmes et 1 enfant, qui comptent désormais parmi les plus de 2 200 civils tués uniquement dans cette ville.
Le bilan ne cesse de croître car, en dépit des règles fondamentales du droit international humanitaire, l’armée russe frappe sans distinction la population ukrainienne et les infrastructures vitales.
Des armes interdites
Il y a d’abord dans les attaques russes l’usage documenté d’armes interdites depuis 2010 par la Convention sur les armes à sous-munitions, qui constitue la première violation majeure du droit international humanitaire, constitutive de crime de guerre.
Mais ne nous y trompons pas. C’est avant tout l’usage des armes dites « conventionnelles » qui est à l’origine de l’hécatombe de civils et qui sera, à coup sûr, la cause de l’accroissement exponentiel des victimes aussi longtemps que durera le conflit, et plus encore.
Créées initialement pour être utilisées sur des champs de bataille ouverts, les armes explosives à large rayon d’impact, y compris les frappes aériennes, les bombardements, l’artillerie lourde, les lance-roquettes multiples, sont actuellement utilisées par l’armée russe dans les villes, avec des conséquences dramatiques sur les populations civiles.
Bilan humain extrêmement lourd
En Ukraine, comme ailleurs en Syrie, au Yémen, en Libye, nous connaissons déjà les conséquences d’une telle guerre urbaine : le bilan humain civil sera extrêmement lourd, et les mensonges de Vladimir Poutine n’y changeront rien. Dans les villes, ces armes explosives lourdes ou imprécises ne choisissent pas leurs cibles : elles blessent, elles tuent, indistinctement.
Le drame est prévisible et assuré pour les civils dans cette guerre. Les rapports le disent : aujourd’hui, 90 % des victimes des armes explosives à large rayon d’impact utilisées en ville sont des civils. Ce chiffre était de 15 % il y a un siècle et de 50 % lors de la Seconde Guerre mondiale. Depuis dix ans, ce sont 262 000 hommes, femmes, enfants civils qui ont été tués, victimes de la folie des hommes.
La guerre en Ukraine nous ramène à une réalité palpable : les règles existantes ne suffisent plus à protéger les civils. Au-delà des armes, ce sont les pratiques militaires associées qu’il faut encadrer, car il y a longtemps que la simple affirmation du droit international n’est plus suffisante. L’ampleur du drame humanitaire se constate malheureusement aussi sur le très long terme, du fait de l’« effet domino » de ces armes utilisées en ville : déplacements massifs et forcés de populations, destruction systématique d’infrastructures vitales, mais aussi contamination par des restes explosifs de guerre sur des décennies, qui empêche le retour des populations.
Car il y a les morts, nombreux, mais il y a aussi celles et ceux qui ont réussi à fuir. À l’heure où plus de 3,2 millions d’Ukrainiens ont franchi les frontières pour fuir les attaques de l’armée russe, quel sera leur avenir lorsque des villes entières, leurs villes, seront détruites et contaminées durablement par les restes explosifs de guerre ?
Une déclaration politique internationale
Depuis six ans, poussée par de nombreuses ONG, parmi lesquelles Handicap International, une coalition d’États travaille à une déclaration politique internationale dont le but est de renforcer la protection des civils en conflit armé et l’assistance aux victimes par la mise en œuvre d’un engagement résolu des États visant à éviter l’utilisation des armes explosives à large rayon d’impact dans les zones peuplées.
Au moment où l’Union européenne fait preuve d’une unité salutaire et qu’elle dénonce unanimement les « crimes de guerre » perpétrés à l’égard du peuple ukrainien, il y a urgence à ce que les États et l’ensemble de la communauté internationale tirent enfin les enseignements de décennies de conflits urbains.
La situation en Ukraine démontre une fois de plus la nécessité d’adopter une déclaration politique claire et ambitieuse contre l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées, comme le demandent le CICR par la voix de son président, Peter Maurer, et le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, depuis des années.
Les États, dont la France, ont la possibilité de faire cesser ces pratiques de guerre inqualifiables. Les dernières négociations auront lieu en avril. Nous appelons notre pays à se montrer enfin à la hauteur des drames qui se jouent et à se saisir de cette déclaration politique internationale pour renvoyer à jamais les images terribles de victimes civiles aux oubliettes de l’Histoire.