Lors d’une cérémonie d’hommage à l’Elysée, le président de la République a annoncé une loi « de réparation » pour ces anciens combattants recrutés comme auxiliaires de l’armée française pendant la guerre d’Algérie.
Au nom de la France, Emmanuel Macron « demande pardon ». Le président de la République s’est adressé ce lundi aux harkis, auxiliaires musulmans ayant combattu aux côtés de l’armée française durant la Guerre d’Algérie, lors d’une cérémonie d’hommage. Pendant son discours, il a également promis de porter « avant la fin de l’année un projet visant à inscrire dans le marbre de nos lois la reconnaissance et la réparation à l’égard des harkis ».
« Panser les plaies »
« Vous portez dans votre chair le souvenir des harkis. L’honneur des harkis doit être gravé dans la mémoire nationale », a expliqué le chef de l’Etat en appelant à « panser les plaies » qui doivent être « fermées par des paroles de vérité, gestes de mémoire et actes de justice ». Les détails du projet de loi n’ont toutefois pas été précisés par le locataire de l’Elysée.
Une forte émotion était palpable dans la salle des fêtes de l’Elysée, où le chef de l’Etat avait invité quelque 300 personnes : des harkis, qui sont désormais très âgés, soixante ans après la fin du conflit, mais aussi leurs descendants, des responsables d’associations et des personnalités. Le discours d’Emmanuel Macron a ainsi été interrompu pendant quelques minutes lorsqu’une femme, très émue, l’a interpellé en affirmant que les excuses ne suffisaient pas.
Le président a été aussi applaudi à plusieurs reprises, notamment lorsqu’il a déclaré : « Aux combattants, je veux dire notre reconnaissance; nous n’oublierons pas. Je demande pardon, nous n’oublierons pas ».
Un nouveau pas engagé
Ces excuses sont un nouveau pas pour un chef d’Etat, après celui de François Hollande, qui avait reconnu en 2016 « les responsabilités des gouvernements français dans l’abandon des harkis ».
« Après la fin de la guerre d’Algérie, la France a manqué à ses devoirs vis-à-vis des harkis », a encore affirmé le chef de l’Etat en précisant que ce n’était pas son « rôle » de juger « les dirigeants de l’époque », qui revient aux historiens.
En septembre 2018, la secrétaire d’Etat aux Armées Geneviève Darrieussecq avait présenté un « plan harkis » comprenant le déblocage de 40 millions d’euros sur quatre ans pour revaloriser les pensions des anciens combattants et venir en aide à ceux de leurs enfants qui vivent dans la précarité.
Au cours de cette réception, qui se tenait cinq jours avant la journée nationale d’hommage aux harkis, célébrée tous les 25 septembre depuis 2003, notamment dans le sud de la France où cette communauté est très présente, Emmanuel Macron a également décoré Salah Abdelkrim, un représentant harki blessé au combat, un officier français, le général François Meyer, qui a organisé le rapatriement « de plusieurs centaines de harkis en désobéissant aux ordres », et une fille de harki, Bornia Tarall, « militante de l’égalité des chances et de la diversité ».
Plusieurs centaines de milliers de personnes concernées
Les harkis sont ces anciens combattants – jusqu’à 200 000 hommes – recrutés comme auxiliaires de l’armée française pendant le conflit qui opposa de 1954 à 1962 des nationalistes algériens à la France. A l’issue de cette guerre, une partie d’entre eux, abandonnés par Paris, ont été victimes de représailles en Algérie.
Plusieurs dizaines de milliers d’autres, souvent accompagnés de femmes et d’enfants, ont été transférés en France, où ils ont été placés dans des « camps de transit et de reclassement » aux conditions de vie indignes et durablement traumatisantes.
Les harkis et leurs descendants formeraient aujourd’hui une communauté de plusieurs centaines de milliers de personnes en France. Ils ont connu une intégration difficile en France, à la fois assimilés à des immigrés et rejetés par les immigrés.
Un opportunisme électoral ?
Après avoir pris différentes initiatives (sur Maurice Audin, l’ouverture des archives ou l’assassinat de l’avocat Ali Boumendjel…), Emmanuel Macron entend encore participer à deux journées mémorielles d’ici à la fin du quinquennat: la répression par la police française d’une manifestation d’Algériens à Paris le 17 octobre 1961, et la signature des accords d’Evian le 18 mars 1962 qui ont consacré la défaite française en Algérie.
Autant de rendez-vous politiquement sensibles à l’approche de la présidentielle d’avril 2022, alors que les harkis représentent un électorat traditionnellement courtisé par le Rassemblement national et la droite. Différents partis politiques d’opposition voient d’ailleurs cet hommage comme un signe d’opportunisme électoral, à sept mois de l’élection présidentielle. A l’extrême droite, Robert Ménard a dénoncé une manoeuvre « dégueulasse ». « Pour Sarkozy, Hollande, pour lui, les Harkis ne sont que des supplétifs électoraux », a ajouté le maire de Béziers. « La générosité électorale d’Emmanuel Macron ne réparera pas des décennies de mépris ainsi que l’outrage commis par le Président à la mémoire de ces combattants de la France accusés, en 2017, avec d’autres, de ‘crime contre l’humanité‘ », juge pour sa part Marine Le Pen.
Chez LR, Valérie Boyer trouve « dommage qu’il faille attendre qu’il soit candidat non déclaré pour la présidentielle pour attendre de voir des propositions qui ont pourtant été rejetées ces dernières années lorsqu’elles venaient de la droite ». « Un vrai tournant (si tard venu) – ou juste un exercice obligé à la veille de la présidentielle ? », se demande la sénatrice écolo Esther Benbassa.